Collège arbitral de la commission litige voyages 7 mai 2001
I. Droit international privé - Contrats - Transport - Contrat de voyage -Contrat formé entre une agence belge et des ressortissants d'un autre pays - Liberté contractuelle - Référence à la loi belge. H. Action en justice - Intérêt - Contrat de voyage - Action en remboursement - Absence de prix payé - Irrecevabilité.,
in. Transport - Agence de voyages - Contrat de voyage - Voyage sur mesure - Organisateur de voyage (non) - Intermédiaire de voyage (non) - Contrat sui generis - Manquements - Responsabilité.
1. Lorsqu'un contrat de voyage est formé en Belgique entre une agence de voyages de droit belge et des ressortissants d'un autre pays, les parties sont libres de déterminer le droit applicable au contrat. '
En citant, dans les conditions générales qui gouvernent leur contrat, la loi belge du 16 décembre 1994, les parties ont fait choix du droit belge pour régir leurs rapports.
2. Le voyageur qui a bénéficié d'une gratuité, accordée en raison de l'importance du groupe dont il faisait partie, n'a pas l'intérêt nécessaire pour exercer une action en remboursement d'une partie du prix du voyage. ;
3. Le contrat par lequel une agence s'engage à fournir à un groupe de voyageurs un certain nombre de prestations, en s'adressant d'une part, à une compagnie aérienne, d'autre part, à un prestataire de services local n'est ni un contrat d'organisateur de voyage, puisqu'il ne s'agit pas de là fourniture d'une combinaison organisée préalablement à la formation du contrat* ni un contrat d'intermédiaire de voyages, puisqu'il ne s'agit pas de fournir des prestations isolées permettant d'accomplir un voyage ou un séjour quelconque. Il s'agit d'un contrat de voyage sur mesure ou à la carte, régi par le droit commun. '• Dès lors que le caractère aventureux du voyage, n'est ni contestable ni contesté, les obligations contractées par l'agence ne peuvent s'analyser que comme des obligations de moyen.
Les voyageurs démontrant que les prestations qui leur ont été fournies étaient sans commune mesure avec ce à quoi ils étaient en droit de s'attendre (réduction drastique du programme, véhicule bruyant et inconfortable, inapproprié pour un safari photos) sans que les conditions atmosphériques puissent justifier ces défaillances, c'est à bon droit qu'ils réclament le remboursement d'une partie du coût du voyage.
Leur action n'est, cependant, fondée qu'à l'égard de leur partenaire contractuel et non contre le sous-traitant auquel celui-ci s'est adressé, à défaut de rapport contractuel direct entre eux.
(C. et autres / S.P.R.L. Schmidt Travel et S.P.R.L. Ecu Travel)
Quant à l'objet de la demande
Attendu que les vingt-neuf demandeurs postulent la condamnation solidaire des deux défenderesses, l'une à défaut de l'autre et chacune pour le tout, à rembourser à chacun d'eux la somme de 45.782 francs, soit au total 1.327.678 francs, à ^.-majorer des intérêts depuis le 5 octobre 1999 jusqu'à parfait paiement;
Qu'ils reprochent, en effet, à la première défenderesse seule d'avoir sous-traité (sic !) leur voyage au Botswana avec la seconde défenderesse, inconnue d'eux, sans les en avoir informés, si ce n'est deux jours avant le départ;
Qu'ils font grief aux deux défenderesses d'avoir bouleversé totalement l'itinéraire sous le faux prétexte de pluies importantes en septembre 1999, de ne pas leur avoir fait visiter plusieurs sites mentionnés dans leur programme de voyage, /de leur avoir fait manquer dix safaris animaux sur les douze convenus, notamment à cause de l'incompétence du guide et du mauvais état'mécanique de l'un des véhicules qui étaient inadaptés au voyage, d'avoir mis à leur disposition du matériel de couchage non identifiable de telle sorte qu'il passait indistinctement d'un voyageur à l'autre à chaque étape, d'avoir remplacé l'hôtel Marang par un logement de catégorie nettement inférieure éloigné de plus de cent cinquante kilomètres de l'hôtel choisi, et enfin d'avoir confié tout leur groupe non point à des guides expérimentés mais à des chauffeurs qui ne connaissaient pas la région, qui ignoraient le programme de voyage qui avait été convenu et dont l'un d'eux n'avait aucun sens de l'orientation;
Attendu que les demandeurs justifient comme suit le montant (ou quantum) de leur réclamation:
1. Programme non respecté 30.485 francs
a. Itinéraire bouleversé
b. Sites importants non vus
c. Echec de dix safaris animaux (ou gantes runs)
d. Matériel roulant inadéquat
2. Personnel incompétent, en retard, parfois absent 3.550 francs
3. Repas manquants 1.742 francs
4. Dommage moral (perte de la jouissance) du fait que le
voyage a été totalement décevant et frustrant 10.000 francs
Quant au droit applicable
Attendu que, comme en l'espèce, lorsqu'un contrat (qui sera qualifié infra) est formé en Belgique entre une société de droit belge (la première défenderesse) et un ou plusieurs voyageurs, ressortissants d'un autre pays (in casu, les demandeurs identifiés £u& 10, du Grand-Duché de Luxembourg), les parties sont libres de déterminer le droit que les arbitres devront appliquer au fond du litige en application de l'article 7 de la Convention européenne sur l'arbitrage commercial international et annexe faite à Genève le 21 avril 1961; que, pour ce faire, les parties peuvent se référer explicitement ou implicitement aux conditions générales et/ou spéciales qui figurent en annexe du contrat de voyage à titre de confirmation signé le 16 avril 1999 entre la première défenderesse et le premier demandeur au nom et pour le compte de l'association de fait Cercle d'études médico-sociales dont les demandeurs font partie ou sont sympathisants;
Que l'article premier desdites conditions générales est libellé comme suit : «ces conditions générales sont applicables aux contrats d'organisation et d'intermédiaire de voyages, tels que définis par la loi du 16 février 1994 régissant les contrats d'organisation et d'intermédiaire de voyages»; '
Qu'en citant nommément la loi du 16 février 1994 dont question, les parties se réfèrent au droit belge qui, dès lors, est le seul applicable en l'espèce.
Quant à la recevabilité de la demande
Attendu que «l'action ne peut être admise si le demandeur n'a pas qualité et intérêt pour la former» (article 17 du code judiciaire);
Que l'intérêt «consiste en tout avantage matériel ou moral — effectif, mais non théorique — que le demandeur peut retirer de la demande qu'il intente au moment où il la forme» (FBTTWEIS, Droit judiciaire privé, fasc. I, n° 175-176 p 104, édition 1973);
Que la qualité «est le titre juridique en vertu duquel une personne, demanderesse ou défenderesse, peut figurer valablement dans un procès» (EBTTWEIS, op. cit., n° 181, p. 106);...,
Attendu, en l'espèce, que les demandeurs postulent à titre principal la condamnation des défenderesses à rembourser à chacun d'eux la somme de 45.782 francs, étant une partie du prix payé par personne (soit 86.100 francs);
Qu'il résulte, cependant, de l'instruction d'audience et des pièces déposées par les parties que le premier demandeur a bénéficié de la gratuité qui lui a été offerte par la première défenderesse;
Que l'action du premier demandeur doit, dès lors, être déclarée irrecevable en ce qu'il ne justifie d'aucun avantage matériel effectif qu'il peut retirer de la demande qu'il a intentée au moment où il l'a formée.
Quant à la qualification des contrats
Attendu qu'il résulte tant de la convention d'arbitrage, des dossiers échangés entre les parties, des conclusions déposées par les demandeurs et par la seconde défenderesse que de l'instruction d'audience que :
a. Quant aux demandeurs entre eux
Les demandeurs sub 2 à 18 ont, dans le cadre de l'association de fait Cercle d'études médico-sociales (C.E.M.S.), donné au premier demandeur le pouvoir d'agir en leur nom et pour leur propre compte pour leur permettre d'accomplir un voyage et un séjour au Botswana agrémentés de la visite des chutes du Zambèse (Victoria Falls), du 5 au 20 octobre 1999;
Que lesdits demandeurs avaient dès lors conclu avec le premier demandeur un contrat de mandat (article 1984 du code civil) qui comportait le pouvoir pour celui-ci d'accomplir des actes juridiques (Cass., 27 mars 1968, Pas., 1968, I, 916; Cass., 7 octobre 1974, Pas., 1975, L 155), tels que conclure un ou plusieurs contrats;
Que ce mandat spécial fut étendu par lesdits demandeurs pour permettre au premier d'entre eux d'introduire et de diligenter en leur nom une demande d'indemnisation auprès de la Commission de litiges voyages. '
,. b. Quant aux demandeurs et aux défenderesses
Le 16 avril 1999, le premier demandeur agissant au nom et pour le compte du Cercle d'études médico-sociales a signé avec la première défenderesse qualifiée ''expressément d'organisateur de voyages un contrat de voyage à titre de confirmation dont l'article premier est libellé comme suit : la première défenderesse organise des voyages, des incentives selon les données mentionnées dans le programme de voyage et selon les services inclus et non inclus;
Que, cependant, dans le questionnaire de la Commission de litiges voyages qui engage les parties et manifeste leur volonté de recourir à l'arbitrage (article 1677 du code judiciaire), les demandeurs qualifient d'intermédiaire de voyages la première défenderesse et d'organisateur de voyages la seconde défenderesse;
Attendu que, pour déterminer le contenu et l'étendue des obligations respectives des défenderesses, encore faut-il s'interroger sur la qualification du contrat conclu par chacune d'elles avec les demandeurs;
Attendu que, bien que les parties aient qualifié leurs relations juridiques soit de contrat d'organisation de voyages, soit de contrat d'intermédiaire de voyages, il appartient au Collège d'arbitrage saisi d'une demande de vérifier la nature juridique des faits qui lui sont soumis, indépendamment de la qualification qui leur a été attribuée par lesdites parties (Cass., 15 février 1982, Pas., 1982,1, 471; Cass., 7.septembre 1992, C.D.S., 1993, p. 13; Collège d'arbitrage C L V 28 octobre 1999, aff. 981175);
Que c'est par l'analyse du contenu des écrits produits par celles-ci que doit être recherchée leur commune volonté (Cass,, 24 mars 1988, Pas., 1988,1, 984; C trav. liège, 7 mai 1992, J.T.T., 1993, p. 156);
Que le principe selon lequel'le collège doit, lors de l'appréciation de la qualification du contrat, s'en référer non seulement aux clauses de celui-ci, mais également à la manière dont les relations contractuelles se sont déroulées dans les faits, trouve sa source dans les dispositions légales relatives aux modes de preuve (articles 1341 et suivants du code civil);
Que «ne méconnaît pas la force obligatoire d'une convention le juge qui, préférant la commune intention des parties au sens littéral des termes, reconnaît à la convention les effets que, dans l'interprétation qu'il en donne, ladite convention, exécutée de bonne foi, a légalement entre les parties (Cass., 24 septembre 1992, Pas., 1,1052).
• Quant à la première défenderesse
Attendu qu'en l'espèce,,il échet de relever que la première défenderesse s'estimait être l'organisateur de voyages dès lors, d'une part, qu'elle a mentionné cette qualité sur le contrat de voyage signé le 16 avril 1999 et, d'autre part, qu'elle a adressé au premier demandeur une facture globale pour l'ensemble des voyageurs au taux de T.V.A. de 2,73 pour-cent, taux applicable à l'organisation de voyages;
Attendu que, aux termes des articles 1.1° et 1.2° de la loi du 16 février 1994 régissant les contrats d'organisation et d'intermédiaire de voyages, ceux-ci sont définis comme suit :
— le contrat d'organisation de voyages «est tout contrat par lequel une per
sonne s'engage, en son nom, à procurer à une autre, moyennant un prix global,
au moins deux des trois services suivants :
»a. transport »b. logement
»c. autres services touristiques, non liés au transport ou au logement, qui ne sont pas accessoires au transport ou au logement,
»dans une combinaison préalable organisée par ladite personne et/ou par un tiers, pour autant que les prestations incluent une nuitée ou dépassent une durée de vingt-quatre heures»;
— le contrat d'intermédiaire de voyages se définit quant à lui comme étant «tout
contrat par lequel une personne s'engage à procurer à une autre, moyennant le
paiement d'un prix soit un contrat d'organisation de voyages, soit une ou plu
sieurs prestations isolées permettant d'accomplir un voyage ou un séjour
quelconque»;
Qu'en l'espèce, les transports aérien, terrestre et fluvial des demandeurs, leur logement, le circuit'au Botswana et au Zimbabwe n'apparaissent nullement comme une combinaison organisée préalablement à la formation du contrat entre les demandeurs et la première défenderesse, de telle sorte qu'ils n'ont pas pu conclure entre eux un contrat d'organisation de voyages au sens de l'article 1.1° de la loi dû 16 février 1994 précitée; qu'en effet, il résulte de l'instruction d'audience que le premier demandeur, en sa qualité de mandataire des autres demandeurs, a chargé la première défenderesse de concrétiser au meilleur prix la structure combinée du voyage qu'il avait élaboré : c'est ainsi que la première défenderesse s'est adressée pour le transport aérien à la compagnie d'aviation Sabena et pour les autres prestations à la seconde défenderesse;
partie du prix qu'ils ont versé à la première défenderesse (article 17 du code judiciaire), et ce, sans préjudice du droit de celle-ci de poursuivre la seconde défenderesse en responsabilité;
Attendu que les demandeurs postulent par voie de conclusions l'exécution provisoire de la sentence sans pour autant la justifier en droit; qu'elle ne peut, dès lors, pas leur être accordée.
Par ces motifs,...
Disons l'action du premier demandeur irrecevable;
Disons non fondée à rencontre de la seconde défenderesse l'action des demandeurs identifiés sub 2 à 18;
Disons l'action des demandeurs identifiés sub 2 à 18 recevable et fondée contre la première défenderesse;
Condamnons la première défenderesse à rembourser à chacun des demandeurs identifiés su* 2 à 18 la somme de 45.782 francs, soit au total 45.782 francs x 28 = 1.281.896 francs (31.777,37 euros), à majorer des intérêts compensatoires depuis le 5 octobre 1999 jusqu'au jour du paiement complet.
Siég. : MM. P.-H. Fauconnier, S. Dochy, P. du Castillon, V. Labarre et A. Roland.
Greffier : Mme S. Sterckx. Plaid. : M" L Jacmin (de Mons) et A. Buggenhout (d'Anvers).
J.LM.B. 01/723