Par exploit du 16 mars 2004, la société anonyme Dexia Banque Internationale à Luxembourg (Dexia BIL) a fait pratiquer saisie-arrêt entre les mains de divers établissements financiers respectivement assurances sur les sommes que ceux-ci pourront redevoir à X. pour sûreté et avoir paiement de la somme de 49.451,94 € que ce dernier lui devrait. Assignation en validation de la saisie avec demande en condamnation au paiement de la susdite somme a été donnée à X. par exploit du 23 mars 2004.
Le montant réclamé par Dexia BIL résulte de plusieurs conventions de crédit conclues entre parties, à savoir un contrat pour financer les études supérieures du 6 novembre 1997 pour un montant de 155.000 francs, porté à respectivement 432.500 francs et 682.204 francs par deux avenants du 25 janvier 1999 et du 18 décembre 1999, un autre prêt pour financer les études du 16 mars 1999 pour un montant de 200.000 francs porté à 300.000 francs par avenant du 26 avril 2001, un crédit de 5.000 € suivant convention du 27 mars 2002, à titre de facilité de caisse (« Préfiline ») et un prêt « Prefilux » du 19 août 2003 accordant une avance de 23.000 €.
Par jugement du 8 décembre 2006, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, a annulé la saisie arrêt du 16 mars 2004, dit que la dénonciation des différentes conventions de prêt est abusive, constaté la résiliation de ces conventions, déclaré la demande partiellement fondée en condamnant X. à payer à Dexia BIL le montant de 48.379,25 € avec les intérêts légaux à partir du 23 mars 2004 jusqu’à solde, déclaré la demande reconventionnelle de X. partiellement fondée et condamné Dexia BIL à lui payer le montant de 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire, ainsi qu’une indemnité de procédure de 1.000 €.
Contre ce jugement, X. a interjeté appel par exploit du 16 mars 2007 dans les forme et délai de la loi.
Il demande à la Cour, par réformation partielle du jugement en ses dispositions entreprises, de dire qu’il n’y a pas lieu de constater ou prononcer la résiliation des différentes conventions de prêts ; de dire la demande en condamnation formulée par Dexia BIL non fondée ; de décharger en conséquence l’appelant de sa condamnation à payer à Dexia BIL, le montant de 48.379,25 € avec les intérêts légaux à partir du 23 mars 2004 jusqu’à solde ; de dire la demande reconventionnelle pour procédure abusive et vexatoire formulée par l’appelant totalement fondée ; de condamner en conséquence Dexia BIL à payer à l’appelant, le montant requis de 60.000 € ou tout autre montant même supérieur avec les intérêts légaux à compter du 16 mars 2004 – date de la saisie-arrêt des comptes auprès des 14 principales banques et compagnies d’assurances du pays -, sinon subsidiairement à compter de la demande en justice jusqu’à solde.
Il demande en outre l’allocation d’une indemnité de procédure de 3.000 €. Dexia BIL interjette appel incident et demande, par réformation de déclarer les dénonciations opérées par elle régulières et fondées ; partant de valider la saisie-arrêt pratiquée le 16 mars 2004 ; de condamner la partie adverse à lui payer le principal de 48.379,25 € avec les intérêts conventionnels à compter des dénonciations des conventions de prêt en date des 24 et 30 octobre 2003, le tout jusqu’à solde ; de dire que les conditions pour obtenir l’allocation de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ne sont pas données ; partant de réformer le jugement a quo en ce qu’il a condamné Dexia BIL à verser le montant de 1.000 € à X. pour procédure abusive et vexatoire ; de réformer le jugement a quo en ce qu’il a alloué une indemnité de procédure de 1.000 € à la partie adverse.
Pour le surplus, quant à l’appel principal, Dexia BIL demande à la Cour de confirmer le jugement a quo en ce qui concerne la condamnation de X. au principal de 48.379, 25 € correspondant aux soldes débiteurs des différents comptes au jour des dénonciations ; de rejeter en tout état de cause l’appel adverse tendant à l’allocation d’une indemnité de 60.000 € pour procédure abusive et vexatoire, non fondé en fait et en droit ; de débouter la partie appelante de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure de 3.000 € pour l’instance d’appel ; d’une manière générale, de déclarer l’appel adverse en tous points non fondé. Elle conclut en outre à l’allocation d’une indemnité de procédure de 2.000 €.
Quant à l’appel incident, X. fait valoir que si l’intimée a fait signifier la grosse du jugement sous réserve d’appel, la signification des qualités de ce jugement a cependant été faite sans réserve d’appel.
Ceci ne saurait toutefois entraîner l’irrecevabilité de l’appel incident, dès lors qu’aux termes de l’article 571 alinéa 3 du Nouveau code de procédure civile, « L'intimé pourra néanmoins interjeter incidemment appel en tout état de cause, quand même il aurait signifié le jugement sans protestation » ce qui à l’évidence vaut pour la signification des qualités.
L’appel incident de Dexia BIL est partant recevable. Les premiers juges ont retenu que la dénonciation des diverses conventions de crédit par Dexia BIL suivant courriers des 24 respectivement 30 octobre 2003 est abusive et ils en ont conclu que la saisie-arrêt pratiquée le 16 mars 2004 était tout aussi abusive et qu’il y avait lieu d’annuler ladite saisie-arrêt, « alors qu’à ce moment-là la requérante Dexia BIL n’était pas en droit de réclamer les soldes débiteurs des différents comptes du défendeur X., la dénonciation ayant été abusive.»
Pour le surplus, les premiers juges ont cependant constaté la résiliation des contrats entre parties suite à la dénonciation abusive des comptes, X. étant dès lors tenu de rembourser les soldes débiteurs des divers comptes concernés.
L’appelant critique en premier lieu la constatation par le tribunal de la résiliation des différentes conventions de prêt, Dexia BIL n’ayant jamais sollicité le tribunal de faire pareille constatation, de sorte que les premiers juges auraient statué extra et ultra petita.
Cet argument est à rejeter, dès lors qu’aux termes de son acte introductif d’instance (dénonciation de la saisie-arrêt avec assignation en validité du 23 mars 2004), Dexia BIL a demandé la condamnation de X. au paiement des différents montants représentant les soldes des crédits lui alloués, ce qui implique nécessairement dans l’optique de la banque qu’elle considère que les différents crédits sont résiliés du fait des dénonciations notifiées par les courriers des 24 et 30 octobre 2003, et que les soldes sont devenus exigibles.
Or suite aux dénonciations des crédits, qui étaient tous des contrats de crédits à durée indéterminée, qui peuvent être résiliés à tout moment (Jurisclasseur–Banque, Crédit, Bourse–fasc. 151 ; N°92), les relations entre parties ont pris fin, et la résiliation des crédits a effectivement rendu exigibles les différents soldes, l’appelant ne pouvant plus prétendre à la continuation des relations d’affaires entre parties.
L’appelant se prévaut à l’égard de la prétention de la banque tirée des conditions générales de pouvoir mettre à tout moment fin aux relations entre parties de la loi du 25 août 1983 relative à la protection juridique du consommateur, déclarant abusives les clauses selon lesquelles le professionnel se réserve le droit de modifier ou de rompre unilatéralement le contrat sans motif spécifique et valable stipulé dans le contrat. Ainsi que le soutient la banque, ce n’est pas la loi précitée, mais la loi du 9 août 1983 réglementant le crédit à la consommation, qui vient à s’appliquer aux relations entre le professionnel (le banquier) et le consommateur. Selon la définition fournie par l’article 1er de cette loi, on entend par consommateur toute personne physique qui pour les transactions régies par cette loi, agit dans
un but pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle. Il ne fait pas de doute que les deux prêts pour financer les études supérieures ont pour finalité l’acquisition d’un diplôme permettant l’installation dans la profession concernée. Les deux autres conventions de crédits ont été conclues dans le cadre strictement professionnel de l’appelant.
La protection visée par l’appelant en invoquant la législation afférente ne saurait jouer en sa faveur.
La dénonciation d’une convention de crédit par la banque peut tout au plus donner lieu à la question de la rupture abusive de crédit, notamment au regard de son caractère intempestif, compte tenu de l’absence de tout délai de préavis.
Ce problème n’a toutefois pas à être examiné par la Cour dans la mesure où, comme les premiers juges l’ont déjà relevé, X. ne réclame pas la réparation d’un quelconque préjudice qui aurait résulté de la dénonciation abusive de ses comptes, se bornant à réclamer des dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire du fait de la procédure de saisie-arrêt engagée plusieurs mois plus tard à son encontre et qui aurait bafoué sa réputation sur la place financière et porté préjudice à son activité professionnelle.
Force est de constater que l’appelant, qui revendique le maintien des relations d’affaires, n’a depuis la dénonciation des différents crédits, pas effectué le moindre remboursement d’aucun de ces crédits.
L’explication donnée par l’appelant qu’il n’aurait pas continué à apurer ses comptes depuis la dénonciation du mois d’octobre 2003 du fait que la banque aurait cessé d’effectuer les ordres de prélèvements automatiques destinés à apurer les comptes et qu’elle aurait fait saisir-arrêter l’intégralité de ses avoirs l’empêchant ainsi de ce faire n’est pas pertinente : en effet, seul le compte professionnel de l’appelant auprès de Dexia BIL était bloqué suite à la dénonciation des crédits.
Les autres comptes dont l’appelant disposait auprès d’autres établissements bancaires n’étaient pas affectés par cette mesure et continuaient en principe à fonctionner normalement, ce qui aurait dû permettre à l’appelant d’honorer ses remboursements, à supposer ces comptes provisionnés à suffisance, la saisie-arrêt n’ayant été pratiquée par l’intimée que plusieurs mois plus tard, en mars 2004.
Compte tenu de l’absence totale du moindre remboursement pendant plus de quatre mois après la dénonciation des 24 et 30 octobre 2003, Dexia BIL pouvait valablement pour la sauvegarde de ses intérêts recourir à la mesure de la saisie arrêt à la date du 16 mars 2004, à laquelle il faut se placer pour apprécier le bien-fondé de la saisie-arrêt qui n’est dès lors pas abusive, de sorte qu’il n’y a pas lieu de l’annuler, mais au contraire de la valider. Le caractère abusif de la saisie-arrêt n’est pas donné en l’espèce.
X. ne saurait dès lors prétendre au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire du chef de la saisie-arrêt pratiquée à son encontre. Dexia BIL est par réformation à décharger de la condamnation afférente.
Les soldes des différents crédits au moment de leur dénonciation résultent des relevés et ne sont pas contestés en tant que tels. Ils s’élèvent au total à la somme de 48.379,25 €, la condamnation au paiement de ce montant étant à confirmer.
Compte tenu de ce que la résiliation des conventions de crédit n’est pas à mettre en cause, ainsi qu’il vient d’être dit, son effet étant de rendre les soldes certains, liquides et exigibles à la date des dénonciations, c’est à partir des dates des dénonciations que courent les intérêts conventionnels tels que réclamés par Dexia BIL dans son appel incident.
Eu égard à l’issue du litige, la demande de l’appelant en obtention d’une indemnité de procédure pour l’instance d’appel est à rejeter, et pour les mêmes motifs, Dexia BIL est à décharger de la condamnation afférente prononcée à son égard en première instance.
Quant à la demande de Dexia BIL également basée sur l’article 240 du nouveau code de procédure civile, la Cour considère qu’il ne paraît pas inéquitable de laisser à sa charge les sommes par elles exposées et non comprises dans les dépens.
L’intimée Dexia BIL est à débouter de cette demande.
Par ces motifs,
la Cour d’appel, neuvième chambre, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement, et sur le rapport du magistrat de la mise en état, reçoit l’appel principal et l’appel incident ; déclare non fondé l’appel principal et fondé l’appel incident ; réformant : dit que la condamnation au paiement du montant de 48.379,25 € est à assortir du paiement des intérêts conventionnels à compter des dénonciations des prêts en date des 24 respectivement 30 octobre 2003 jusqu’à solde ; pour assurer le recouvrement de la somme de 48.379,25 € avec les intérêts conventionnels tels que ci-dessus fixés, déclare bonne et valable la saisie-arrêt formée entre les mains des parties intimées sub 2) à 15) suivant exploit du 16 mars 2004 ; dit qu’en conséquence, les sommes dont les parties tierces-saisies se reconnaîtront ou seront jugées débitrices seront par elles versées entre les mains de la société anonyme Dexia Banque Internationale à Luxembourg en déduction et jusqu’à concurrence de sa créance en principal, des intérêts et des frais ; déclare non fondée la demande reconventionnelle
de X. et décharge la société anonyme Dexia Banque Internationale à Luxembourg de la condamnation au paiement du montant de 1.000 € pour procédure abusive et vexatoire ; décharge la société anonyme Dexia Banque Internationale à Luxembourg de la condamnation au paiement d’une indemnité de procédure de 1.000 € prononcée en première instance ; déboute X. et la société anonyme Dexia Banque Internationale à Luxembourg de leurs demandes respectives en paiement d’une indemnité de procédure ; condamne X. aux frais et dépens des deux instances et ordonne la distraction au profit de Maître Franz Schiltz, avocat concluant qui la demande, affirmant en avoir fait l’avance.
Du 8 octobre 2009.- Cour d’appel (civil).-
Composition : prés. M. Santer, cons. Mmes Betz et Eicher.- Pl. Mes Claude Derbal et Franz Schiltz.