CA Paris PÔLE 05 CH. 04 24 octobre 2012 N° 10/16013 Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 24 OCTOBRE 2012
(n° 281 , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/16013
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2010 - Tribunal de Commerce de PARIS 15ème Chambre - RG n° 2008015660
APPELANTE
S. A.S. YOPLAIT F. agissant poursuites et diligences en la personne de son président et tous représentants légaux
Ayant son siège social
170 Bis Boulevard du Montparnasse
75014 PARIS
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS,
toque C2477
Assistée de Me Gaëlle SAINT JALMES plaidant pour SCP Deprez Guignot et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque P 221
INTIMEE
S. N.C. A. F.
...
...
Représentée par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, Me Véronique DE LA TAILLE, avocats au barreau de PARIS, toque K0148
Assistée de Me Jean Philippe DESTREMAU plaidant pour la Selarl DESTREMAU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 542
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le18 Septembre 2012, en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par Madame LUC, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile devant la Cour composée de :
Monsieur ROCHE, Président
Monsieur VERT, Conseiller
Madame LUC, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Véronique GAUCI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur ROCHE, président et par Madame Véronique GAUCI, greffier, auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire
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Vu le jugement rendu le 29 juin 2010 par le Tribunal de commerce de PARIS, par lequel la société YOPLAIT F. a été déboutée de son action en concurrence déloyale et en dénigrement contre la société A. F. , les actes de dénigrement n'étant pas caractérisés et les pratiques irrégulières retenues à sa charge ne constituant pas, à elles seules, selon les Premiers Juges, une pratique de concurrence déloyale, n'ayant pu influencer le comportement du consommateur au détriment de la société A. F. , et a été condamnée à payer à la société A. F. la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté le 30 juillet 2010 par la société YOPLAIT F. et ses conclusions enregistrées le 30 novembre 2010, dans lesquelles elle demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a reconnu que le défaut d'indication de la quantité de sucre sur les emballages des produits «'Dessert Fruitier'» était contraire à l'article R.112-17 du Code de la consommation et du décret n° 93-1130 du 27 septembre 1993 et son infirmation pour le surplus, étant demandé à la Cour de céans de condamner la société A. F. pour concurrence déloyale, de lui interdire la commercialisation des produits concernés et ordonner leur retrait de la vente sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux et condamner la société A. F. à lui payer la somme de 150 000 euros à titre de dommages intérêts, outre celle de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions de la société A. F. , enregistrées le 6 octobre 2011, dans lesquelles elle sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de la société YOPLAIT F. à lui payer la somme de 20 000 euros pour procédure abusive, outre celle de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
SUR CE
Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :
La société YOPLAIT F. (ci après YOPLAIT) fabrique et commercialise des produits laitiers, notamment des yaourts aux fruits dont elle est le leader en France.
La société A. F. SNC (ci après A.) est spécialisée dans les desserts à base de fruits. Elle commercialise, entre autres produits, une gamme de produits dénommés «'Dessert Fruitier'», constitués de mélanges de préparation de pommes et d'autres fruits et une gamme de produits dénommés «'Liégeois de Fruits'», constitués d'une couche de crème fouettée sur une préparation de fruits et un coulis de fruits.
A partir de 2007 et jusqu'en 2008, la société A. a apposé sur le conditionnement de son produit «'Dessert Fruitier'», sur le côté gauche en haut des emballages, en écriture jaune sur fond rouge, la mention «'recette moins sucrée'».
Ayant constaté en août 2007 que les deux gammes précitées commercialisées par A. portaient des mentions ou représentations qu'elle estimait non conformes à la réglementation sur l'étiquetage des denrées alimentaires, la société YOPLAIT en faisait part à la société A., dans un courrier du 17 octobre 2007. Celle ci, bien que s'estimant en règle dans son courrier du 27 novembre 2007, promettait que les nouveaux conditionnements du «'Dessert Fruitier'», en cours d'impression, ne comporteraient plus la mention litigieuse «'recette moins sucrée'».
Celle ci figurait encore le 27 décembre 2007 sur les produits commercialisés, selon constat d'huissier, puis le 29 avril 2008 (expert C.) sur les produits commercialisés sur le site internet d'A.. Elle figurait encore en novembre 2010 sur les sites de vente en ligne des supermarchés CARREFOUR et TELEMARKET, ayant toutefois disparu en 2009 sur le site Internet d'A., remis à jour.
Estimant cette mention «'recette moins sucrée, ainsi que les autres pratiques de la société A., constitutives de pratiques de concurrence déloyale et de dénigrement et après des tentatives d'accord amiable entre les parties, la société Yoplait a, par acte du 25 février 2008, assigné la société A. devant le Tribunal de commerce de PARIS.
Dans le jugement entrepris, le Tribunal de commerce a écarté la plupart des prétentions de la société YOPLAIT et n'a reconnu que deux irrégularités à la charge de la société A. :
- une violation des dispositions de l'article R. 112-17 du Code de la consommation, exigeant que figure sur l'étiquetage d'un produit mettant en valeur un certain ingrédient, la quantité de cet ingrédient : or, «'Dessert Fruitier'», alors qu'il comportait la mention «'recette moins sucrée'» ne mentionnait pas la quantité de sucre contenue dans chaque pot ;
- une violation du décret n° 93-1130 du 27 septembre 1993 imposant, en cas d'étiquetage relatif aux qualités nutritionnelles concernant le sucre, un certain nombre d'informations, dont certaines étaient en l'espèce manquantes.
Le Tribunal a, en revanche, estimé que la mention «'recette moins sucrée'» ne pouvait être considérée comme une publicité comparative, de nature à induire le consommateur en erreur, que le règlement (CE) 1924/2006 du 20 décembre 2006, régissant les allégations nutritionnelles ou de santé, ne s'appliquait pas à cette mention, que les mentions «'recette moins sucrée'» et «'encore plus de fruits'», le pictogramme figurant sur l'emballage du «'Dessert Fruitier'» et le conditionnement de «'Liegeois de Fruits'» ne pouvaient être qualifiés de publicité mensongère, réprimée par l'article 121-1 du Code de commerce, et, enfin, que le site internet d'A. n'enfreignait pas le décret du 27 septembre 1993.
Estimant qu'aucune distorsion de concurrence n'avait pu naître de ces deux seules irrégularités, le Tribunal a écarté la demande en concurrence déloyale de la société YOPLAIT.
Sur la mention «'recette moins sucrée'» :
Considérant que la société YOPLAIT soutient, à l'inverse de la société A., que la mention «'recette moins sucrée'» constitue une «'allégation nutritionnelle'» comparative, au sens du règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement Européen et du Conseil, du 20 décembre 2006 (JOUE du 30/12/2006)'et qu'à ce titre, elle devait, à peine de tromper les consommateurs finals, en respecter les dispositions, et notamment indiquer la teneur en sucre du produit, la réduction en sucre habilitant à user de cette formule devant être de 30 % ;
Considérant qu'est qualifiée de «'nutritionnelle'» toute allégation qui «'suggère ou implique qu'une denrée alimentaire possède des propriétés nutritionnelles bénéfiques particulières de par : b) les nutriments ou autres substances qu'elle i) contient, ii) contient en proportion moindre ou plus élevée, ou iii) ne contient pas'» ; que la mention litigieuse implique que le produit contient du sucre en proportion moindre qu'une précédente recette ; qu'elle constitue donc une allégation nutritionnelle comparative, la circonstance que la recette en cause soit une recette d'A., et non celle d'un concurrent, étant sans portée au sens du règlement précité, qui n'exige pas que la comparaison soit effectuée entre produits de marques différentes, la seule exigence posée par ce texte étant que les denrées en cause soient de la même catégorie ; qu'en vertu de l'article 9.2 de ce règlement, «'Les allégations nutritionnelles comparatives doivent comparer la composition de la denrée alimentaire en question à celle d'un éventail de denrées alimentaires de la même catégorie, dont la composition ne permet pas l'emploi d'une allégation, y compris des denrées alimentaires d'autres marques'» ; qu'il résulte de l'annexe du règlement qu''«'une allégation affirmant que la teneur en un ou plusieurs nutriments a été réduite, ou toute autre allégation susceptible d'avoir le même sens pour le consommateur, ne peut être faite que si la réduction de cette teneur est d'au moins 30 % par rapport à un produit similaire (...)'» ; que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a écarté l'application du règlement précité ;
Considérant que si la société A. prétend que ce règlement ne lui serait pas opposable en vertu des dispositions transitoires de son article 22 autorisant la commercialisation, jusqu'à leur date de péremption et au plus tard le 31 juillet 2009, des «'denrées alimentaires mises sur le marché ou étiquettées avant la date de mise en application du présent règlement'», soit le 1er juillet 2007, il convient de souligner que la mention litigieuse figurait encore sur les produits commercialisés le 27 décembre 2007, selon constat d'huissier, puis le 29 avril 2008 (expert C.) sur les produits commercialisés sur le site internet d'ANDROS ; qu'à supposer la péremption alimentaire des articles en cause voisine de deux mois, selon les allégations non contestées de la société YOPLAIT, la commercialisation des produits exposés à la vente les 27 décembre 2007 et 29 avril 2008 est bien postérieure au 1er juillet 2007 ; que le jugement déféré sera également infirmé sur ce point ;
Considérant que les Premiers Juges ont, à bon droit, constaté que la mention litigieuse, non accompagnée de la teneur en sucre du produit, constituait une infraction à l'article R.112-17 du Code de la consommation, qui dispose :'«'Sans préjudice des dispositions relatives à l'étiquetage nutritionnel des denrées alimentaires, l'étiquetage d'une denrée alimentaire doit comporter l'indication de la quantité d'un ingrédient ou d'une catégorie d'ingrédients qui a été utilisé dans sa fabrication ou sa préparation dans les cas suivants :(...) 2° L'ingrédient ou la catégorie d'ingrédients dont il s'agit est mis en relief dans l'étiquetage par des mots, des images ou une représentation graphique ;
(...) La mention prévue au premier alinéa figure soit dans la dénomination de vente de la denrée alimentaire, soit à proximité immédiate de cette dénomination, soit dans la liste des ingrédients en rapport avec l'ingrédient ou la catégorie d'ingrédient dont il s'agit.
La quantité mentionnée, exprimée en pourcentage, correspond à la quantité du ou des ingrédients au moment de leur mise en oeuvre'» ; qu'il n'est pas contesté par l'intimée que l'emballage du «'Dessert Fruitier'», alors qu'il comportait la mention «'recette moins sucrée'», ne mentionnait pas la quantité de sucre contenue, se bornant à indiquer la quantité globale de glucides, catégorie plus large que les sucres ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a retenu ce grief à la charge de la
société ANDROS ;
Considérant que le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a relevé que cette omission constituait, également, une contravention à l'article 7.2 du décret n° 93-1130 du 27 septembre 1993, selon lequel «'lorsque l'allégation nutritionnelle concerne le sucre, (...) les informations à donner sont celles du groupe 2 définies à l'article 6 du présent décret'» , soit «'a) la valeur énergétique ; b) La quantité de protéines, de glucides, de sucres, de lipides; d'acides gras suturés, de fibres alimentaires et de sodium'» ;
Considérant que la société YOPLAIT excipe également de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, pour demander à la Cour de sanctionner l'omission, par la société intimée, de la mention de la teneur en sucre du produit «'Dessert Fruitier'» ;
Considérant que si le II de l'article L.121-1 du Code de la consommation, transposant en droit interne la directive n° 2005/29 du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales, et prévoyant qu « Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle ci ne ressort pas déjà du contexte'», n'est entré en vigueur qu'en janvier 2008, il convient de souligner que les pratiques de la société ANDROS concernent des produits encore commercialisés en avril 2008 ; que s'agissant des pratiques antérieures, courant du 12 décembre 2007 à janvier 2008, il convient d'interpréter le droit national en fonction de la directive n° 2005/29 du 11 mai 2005 qui devait être transposé en droit national et appliquée au plus tard le 12 décembre 2007 ; que l'article 7 de cette directive, directement applicable en droit interne à défaut de transposition au 12 décembre 2007, dispose : «'Une pratique commerciale est réputée trompeuse si, dans un contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement'» ; que le jugement entrepris sera donc également infirmé en ce qu'il a écarté l'application de cet article ;
Considérant que les manquements identifiés constituent des pratiques commerciales déloyales au sens, notamment, de l'article L.121-1 du Code la consommation ; qu'il convient d'examiner ensuite si elles sont susceptibles d'altérer, de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un dessert fruitier ;
Considérant, à cet égard, que la mention «'recette moins sucrée'» est ambigüe, puisqu'il n'est pas immédiatement compréhensible que la comparaison ainsi faite soit opérée avec l'ancienne recette de la société ANDROS, et non avec un produit similaire, de marque concurrente ; qu'il faut en effet, pour'lever cette ambiguité, se reporter à la face inférieure de l'emballage, non visible quand le produit est posé sur un présentoir, pour lire qu'ANDROS a «élaboré une recette de Dessert Fruitier ... avec plus de fruits et moins de sucre (...)'» ; qu'à supposer qu'un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé se livre à cette lecture et comprenne que les deux termes de la comparaison concernent des recettes d'ANDROS, il n'en reste pas moins qu'il ne dispose pas d'informations sur la teneur en sucre du produit, ainsi modifié dans sa composition par la nouvelle recette, et ne peut le comparer aux produits concurrents ; que cette mention, qui ne précise pas clairement les termes de la comparaison, la proportion de réduction de sucre par rapport au produit référent et la teneur en sucre du produit vendu, trompe le consommateur, dont l'achat est déterminé par l'idée que la teneur en sucre du produit est réduite de façon suffisamment sensible pour être signalée ; que la circonstance que la comparaison soit effectuée avec la précédente recette d'ANDROS est indifférente, en l'espèce, puisque l'impression qui subsiste chez le consommateur
raisonnablement attentif, à la lecture de la mention litigieuse de l'emballage, est celle d'une moindre teneur en sucre que les produits similaires, qu'il s'agisse de ceux d'ANDROS ou de ceux des concurrents ; que la société ANDROS qui prétendait ces pratiques purement «'informationnelles'» et exclusivement destinées à lancer la «'nouvelle recette'» démontre elle même son intention de tromper le consommateur en ayant laissé perdurer la publicité litigieuse qui, si elle n'était destinée qu'à cela, aurait du disparaître beaucoup plus tôt ; que l'effet bénéfique annoncé par la mention «'moins sucré'», effet compris par tous les consommateurs raisonnablement avisés qui connaissent la nocivité du sucre, doit correspondre, selon l'article 5, b) ii) du règlement de 2006 à une présence de sucre effectivement «'moindre en quantité, de manière à produire l'effet nutritionnel ou physiologique affirmé, tel qu'établi par des données scientifiques généralement admises'» ; qu'il résulte de cette disposition que la réduction de sucre habilitant à user de la mention «'moins sucré'» doit être substantielle et atteindre le taux de 30 % ; que l'absence des mentions soulignée plus haut empêche le consommateur de vérifier l'effectivité de ce bénéfice pour la santé et l'atteinte du taux de 30 % ; qu'au demeurant, selon les éléments versés aux débats par la société ANDROS, les «'desserts de fruits'», catégorie de desserts dont relève «'Dessert Fruitier'» ont des taux en sucre strictement réglementés par l'interprofession, ces derniers devant être compris entre 17 et 24 % ; qu'il en résulte que la nouvelle recette d'ANDROS ne pouvait atteindre le taux de réduction de 30 % par rapport à l'ancienne recette, dont le taux de sucre était déjà compris dans la fourchette ; que la distorsion de concurrence qui en résulte provient de l'impact positif de ce message sur les consommateurs, indument attirés par la faible teneur supposée en sucre du produit, la communication sur les desserts à base de fruits se faisant sur la teneur élevée en fruits d'une part et sur la teneur réduite de sucre d'autre part, éléments essentiels de la consommation de ces produits et déterminant la décision d'achat ; que cette distorsion a été d'autant plus importante qu'elle a duré plusieurs mois, au minimum du 27 décembre 2007 au 29 avril 2008 et qu'elle a revêtu plusieurs formes, la publicité de l'emballage dans les linéaires et sur le site Internet d'ANDROS ;
Considérant que ces pratiques sont donc susceptibles d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un dessert fruitier ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris et de sanctionner la société ANDROS pour concurrence déloyale ;
Sur le pictogramme figurant sur l'emballage du «'Dessert Fruitier'» :
Considérant que le pictogramme en cause figurant sur l'emballage du «'Dessert Fruitier'» montre un pot relié par une double flèche à une pomme, sous laquelle est inscrit «'une portion de fruit'», suggérant ainsi une relation d'équivalence entre ces trois objets ;
Mais considérant qu'en dessous du pictogramme, ainsi que l'ont relevé les Premiers Juges, la composition des pots de 100 grammes est détaillée (une pomme et un peu de jus de fruit pour la variante Pomme fruits de la passion ; une demi pomme, une fraise et un litchi pour la variante fraise litchi ; ...) ; qu'ainsi le consommateur est averti de la teneur réelle en fruits des produits «'Dessert Fruitier'» de différents parfums ; qu'une portion de fruits équivaut, selon la communication sur les repères de consommation alimentaire du Programme National Nutrition Santé (PNNS), établie en novembre 2008 par la DGCCRF, à un fruit frais ou à au moins 80 grammes de fruits variés dans les préparations ; que la société YOPLAIT ne démontre pas l'inexactitude de cette mention «'une portion de fruit'» portée sur chaque pot, au regard de cette équivalence ; que la pomme est l'ingrédient de base de ces préparations et le fruit le plus répandu, ce qui lui confère un caractère représentatif et emblématique de la «'portion de fruit'» ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a écarté ce grief ;
Sur la mention «'encore plus de fruits'» :
Considérant que cette mention, reproduite sur la face inférieure de l'emballage et dans un rectangle vert, n'est pas particulièrement mise en avant, étant non visible lorsque le produit est posé sur un
présentoir ; que la société YOPLAIT ne démontre pas que cette mention serait contraire à un règlement communautaire ou une loi sur l'étiquetage ni qu'elle aurait pu tromper le consommateur par son caratère fallacieux, de quelque façon que ce soit ; qu'il n'est pas démontré que cette énonciation soit inexacte, les «'Desserts Fruitiers'» contenant plus de 90 % de fruits en général et la teneur en fruits ayant bien été majorée par rapport à la recette précédente ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a écarté ce moyen ;
Sur le conditionnement de «'Liegeois de Fruits'» :
Considérant que si la société YOPLAIT avance que le consommateur est tenu dans l'ignorance de la présence de pommes dans les diverses compositions du produit, le conditionnement ne faisant pas apparaître la figuration de pommes, il convient de noter que la présence de celles ci dans les différentes compositions du «'Liegeois de Fruits'» est signalée par l'appellation même du produit, affichée au centre du packaging dans des couleurs identiques à celles de la marque ANDROS et qui met en exergue la pomme comme ingrédient principal ; que, par ailleurs, la proportion de pommes contenues dans les différentes variantes du «'Liegeois de Fruits'» est décrite dans la composition analytique de celles ci, qui s'avère conforme aux prescriptions de l'article R.112-17 du Code de la consommation ; qu'il est donc indifférent que l'image de la pomme soit peu visible, aucun texte n'imposant par ailleurs de représenter la totalité des fruits du mélange sur le conditionnement ; que le jugement déféré sera aussi confirmé en ce qu'il a écarté ce moyen ;
Sur le site internet d'ANDROS :
Considérant que la diffusion, sur le site internet de la société ANDROS, d'images du «'Dessert Fruitier'», avec un emballage revêtu de la mention litigieuse, ne constitue pas une pratique distincte de la présentation de ce produit à la vente physique dans les linéaires ; que cette pratique est donc comprise dans ce grief, dont l'ampleur est encore accrue par ce mode de diffusion de la publicité ; que les Premiers Juges ont, par ailleurs, justement estimé que les éléments de preuve versés au dossier ne suffisaient pas à caractériser, dans l'organisation même par la société ANDROS de son site Internet, une infraction aux textes sur la publicité ou une pratique autonome de concurrence déloyale ; que cette argumentation ne constitue nullement un nouveau moyen soulevé d'office par les Juges sans respecter le contradictoire, mais une simple appréciation des éléments de preuve qui leur étaient soumis ;
Sur le dénigrement :
Considérant que le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié et se distingue de la critique dans la mesure où il émane d'un acteur économique qui cherche à bénéficier d'un avantage concurrentiel en jetant le discrédit sur son concurrent ou sur les produits de ce dernier ; que cette définition limite la qualification de dénigrement aux pratiques d'opérateurs liés par certaines relations commerciales, aux propos ou écrits publics et dont le contenu, destiné aux consommateurs finals, vise à jeter le discrédit sur des produits ou services ;
Considérant, en l'espèce, que si la société YOPLAIT prend acte, dans ses écritures, du jugement rendu sur ce point, qui a écarté ce grief de dénigrement, elle demande que les pratiques stigmatisées par elle sous ce fondement soient prises en considération dans le cadre de l'appréciation des autres pratiques ;
Mais considérant que les pièces versées aux débats, soit n'émanent pas directement de la société ANDROS, dont le rôle dans les publicités incriminées n'est pas prouvé, soit ne visent pas nommément ou même implicitement la société YOPLAIT ; que si ces pratiques ne constituent pas du dénigrement, comme l'ont justement estimé les Premiers Juges aux termes d'une motivation pertinente et détaillée que la Cour adopte, elles ne constituent pas davantage des pratiques de
concurrence déloyale ;
Sur les dommages intérêts :
Considérant que la distorsion de concurrence induite par la pratique incriminée, contraire à quatre prescriptions légales ou règlementaires, a nécessairement eu un effet sur les autres producteurs de produits similaires ou voisins à base de fruits, qu'ils soient ou non directement concurrents de la société ANDROS, puisque les consommateurs, attirés par le taux réduit en sucre, sont incités, par la mention litigieuse, à acheter les préparations fruitières de marque ANDROS au détriment des autres marques ; que s'il n'est pas exigé que soit démontrée une concurrence effective entre les parties pour caractériser la concurrrence déloyale, une telle concurrence existe en l'espèce, notamment avec la société YOPLAIT, celle ci mettant sur le marché des desserts à base de fruits et communiquant abondamment sur la présence de fruits dans ses yaourts ; que la circonstance que la société YOPLAIT se soit prétendument livrée à des pratiques de concurrence déloyale à l'encontre de la société ANDROS n'exonère pas cete dernière de sa responsabilité, ni ne permet de minimiser le préjudice commercial et moral qui s'en infère nécessairement ; que la Cour dispose des éléments suffisants pour porter à 50 000 euros les dommages intérêts à allouer à la société YOPLAIT, du fait de la concurrence déloyale de la société ANDROS ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;
Considérant en revanche que les demandes tendant à faire interdiction à la société ANDROS de commercialiser ses produits «'Dessert Fruitier'» et «'Liégeois de Fruits'», dans leurs emballages actuels seront écartées, l'emballage de «'Dessert Fruitier'» ayant d'ores et déjà disparu et la mention litigieuse ayant été supprimée ; que la mention litigieuse de l'emballage de «'Liegeois de Fruits'» ne constitue pas une pratique critiquable ; que les demandes tendant au retrait de la vente de ces produits seront donc rejetées pour les mêmes motifs ;
Considérant que la société ANDROS, qui ne démontre ni l'usage abusif des voies de droit de l'appelante, ni l'existence d'un quelconque préjudice en résultant, sera déboutée de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive ;
Considérant que si la portée de l'affaire ne rend pas nécessaire et pertinente la publication de l'arrêt à intervenir, l''équité commande de condamner la société ANDROS à payer à la société YOPLAIT la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
- CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit que ne constituaient pas des pratiques de concurrence déloyale, le pictogramme figurant sur l'emballage du «'Dessert Fruitier'», la mention «'encore plus de fruits'» du «'Dessert Fruitier'», le conditionnement de «'Liegeois de Fruits'», le site internet d'ANDROS FRANCE , et en ce qu'il a écarté la pratique de dénigrement ainsi que les demandes d'injonction de faire,
- L'INFIRME pour le surplus,
- et, statuant à nouveau,
- DIT que la mention «'recette moins sucrée'» est contraire au règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement Européen et du Conseil, du 20 décembre 2006 (JOUE du 30/12/2006), à l'article R.112-17 du Code de la consommation et aux article 7.2 du décret n° 93-1130 du 27 septembre 1993 et L. 121-1 du Code de la consommation,
- DIT que cette pratique constitue une pratique de concurrence déloyale de la société ANDROS FRANCE à l'encontre de la société YOPLAIT FRANCE,
- CONDAMNE la société ANDROS FRANCE à payer à la société YOPLAIT FRANCE la somme de 50 000 euros à titre de dommages intérêts,
- LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,
- LA CONDAMNE à payer à la société YOPLAIT FRANCE la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT