Cour d’appel de Bruxelles (9e chambre) 5 décembre 2014
(…)
I I I . L e s f a i t s e t a n t é c é d e n t s d e l a p r o c é d u r e
1. Electrabel et Lampiris sont deux sociétés concurrentes, actives dans le secteur de la fourniture d’énergie.
2.1. Dans le courant de l’année 2012, Lampiris mène une campagne publicitaire radiophonique où deux personnes échangent le dialogue suivant :
« – Tiens chérie, tu pourrais poster ça ? – Qu’est-ce que c’est ?
– C’est la facture d’Electra[bip] pour l’électricité et le gaz !
– Ah bon ?
– Haha, ce mois-ci nous pouvons envoyer notre facture à Lampiris.
– Ah ?
– Ils calculent combien on peut économiser grâce à leur énergie verte.
– C’est facile ! – Et ben oui ! ».
Cette conversation est suivie du slogan :
« Lampiris : vert, libre et moins cher. Profitez d’une réduction jusqu’à 180 euros jusqu’au 21 juillet. Conditions sur Lampiris.be ».
Il est constant que ce spot radio pouvait aussi être écouté sur le site web de Lampi- ris (www.lampiris.be), partout accessible en Belgique.
2.2. Lampiris distribue également un dépliant publicitaire dont la première page se présente comme suit :
Sur un fond vert, apparaît une personne habillée d’une chemise dans les tons verts et tenant dans les mains une facture d’énergie dont le seul élément lisible, bien que flouté, est le signe « Electrabel » écrit en bleu en haut à droite.
Au centre de la facture, figure un émoticône de couleur bleue dont le dessin de la bouche est renversé en signe de désapprobation.
Au-dessus de la personne se trouve enfin un phylactère comportant la phrase suivante :
« Votre facture d’énergie ce mois-ci, c’est vous qui l’envoyez ! ».
En ouvrant le dépliant, l’on peut lire ce qui suit sur les trois volets intérieurs : Sur le feuillet de gauche, dans un phylactère sur fond vert foncé, il est écrit :
« Dites-nous combien vous payez et nous vous dirons combien vous pouvez économiser ! ».
Suit un panneau supporté par une main sur lequel il est écrit :
« Vous pouvez bien sûr comparer sur notre site internet les prix avantageux de Lampiris avec les tarifs de votre fournisseur désigné. Mais aujourd’hui, nous calculons pour vous. Gratuitement, simplement et sans aucun engagement de votre part. Envoyez-nous votre facture et nous vous appellerons dans les dix jours pour vous communiquer le calcul de votre économie. Lampiris, fournisseur 100 pour cent belge d’énergie verte ».
Sur le volet du milieu, un émoticône souriant invite le consommateur à devenir client de Lampiris avant la date du 21 juillet 2012 pour profiter d’une réduction allant jusqu’à 180 euros.
Il est également mentionné :
« Comment profiter de cette analyse gratuite ? Rien de plus simple, vous avez le choix : Par la poste Remplissez le formulaire, glissez-le dans l’enveloppe ci-jointe
Par e-mail. Scannez votre facture et envoyez le tout à envoyez-votre-facture@lampiris.be via notre site. Surfez sur http://www.lampiris.belenvoyez-votre-facture et remplissez le formulaire Par fax: Faxez votre facture au 04 340 63 99
Dans tous les cas, communiquez-nous votre numéro de téléphone ou de G.S.M. afin que nous puissions rapidement vous communiquer le calcul de votre économie.
Devenez client avant le 21 juillet 2012 et recevez jusqu’à 180 euros de réduction
Infos et conditions sur www.lampiris.be ou contactez le 0800/40123 ».
Sur le volet de droite, il est indiqué :
« Formulaire de contact
Pour connaître le montant de votre économie, trois étapes :
° Complétez le formulaire de contact
° Joignez votre facture de gaz et/ou électricité
° Glissez le tout dans l’enveloppe à l’attention de LAMPIRIS rue Saint-Laurent 54, 4000 Liège
Nous vous appellerons dans les dix jours. Nom
Prénom Tél. G.S.M.
E-mail ».
Suit le slogan : « Vert, libre et moins cher ».
2.3. Enfin, sur son site internet, Lampiris a mis en ligne un formulaire, à l’aide duquel le client Lampiris peut s’inscrire à « My Lampiris ». Pour ce faire, il est notamment invité à communiquer son adresse mail (« Geef uw e-mailadres op »). Comme exemple d’adresse mail, le site web de Lampiris mentionne « jeanpierre.hansen@electrabel.fr ». (…)
3. Estimant que le spot radio, le dépliant publicitaire et le formulaire d’inscription à
« My Lampiris » constituent des publicités comparatives illicites car ne comportant pas la comparaison objective des caractéristiques des produits et services, étant dénigrantes ou profitant indument de sa notoriété, Electrabel fait citer Lampiris, le 22 août 2012, devant le président du tribunal de commerce de Bruxelles siégeant en cessation, dans le cadre de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et
à la protection du consommateur (L.P.M.C.). (…)
Par le jugement entrepris, le premier juge dit la demande irrecevable (…)
IV . Discussion
1 . Sur la formulation du dispositive de la ciration et des conclusions d'Electrabel
5. Alors que Lampiris ne développait aucun moyen relatif à la recevabilité de la de- mande et concluait uniquement à son absence de fondement et, à titre infiniment subsidiaire, à la reformulation de l’ordre de cessation, le premier juge a dit la de- mande irrecevable.
Or, Electrabel justifie de son intérêt et de sa qualité à agir. Electrabel et Lampiris sont des entreprises concurrentes et les comportements clairement dénoncés par Electrabel, tant en termes de citation que de conclusions, sont susceptibles de por- ter atteinte à ses intérêts professionnels.
La demande d’Electrabel est recevable.
Si le dispositif des conclusions d’Electrabel pourrait paraître général dans sa formu- lation, il demeure que dans le corps de sa citation et ensuite de ses conclusions, Electrabel identifie distinctement non seulement les faits qu’elle incrimine mais également les dispositions de la L.P.M.C. (reprises actuellement dans le Code de droit économique) sur lesquelles elle fonde sa demande de cessation.
Rien n’interdit du reste au président du tribunal siégeant en cessation de reformuler l’ordre de cessation pour autant qu’il n’étende pas l’injonction sollicitée à peine de statuer ultra petita, ce qui est parfaitement concevable in casu.
Dans les circonstances de l’espèce, il ne peut pas davantage être conclu au non- fondement de la demande au seul motif que l’ordre de cessation suggéré par Elec- trabel serait insuffisamment précisé.
2 . Sur le dépliant publicitaire
6. Il est constant que ce dépliant constitue une publicité, à savoir « toute communi- cation ayant comme but direct ou indirect de promouvoir la vente de produits quels que soient le lieu ou les moyens de communication mis en œuvre » (article 2.19 L.P.M.C. ; actuellement article 1.8.13° du Code de droit économique) mais égale- ment une publicité comparative, c’est-à-dire « toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concur- rent » (article 2.20 L.P.M.C. ; actuellement article 1.8.14° du Code de droit écono- mique).
En vertu de l’article 19 de la L.P.M.C. (actuellement article VI.17 du Code de droit économique), la publicité comparative est licite dès que l’ensemble des conditions y mentionnées sont satisfaites en ce qui concerne la comparaison. Ces huit conditions sont cumulatives. Cette disposition prévoit que :
« Paragraphe 1er. La publicité comparative est licite dès lors que les conditions suivantes sont satis- faites, en ce qui concerne la comparaison : 1° elle n’est pas trompeuse au sens des articles 88 à 91 et de l’article 96, 1° [des articles VI. 97 à VI.
100 et de l’article VI. 105, 1°, du Code de droit économique] ;
2° elle compare des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;
3° elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens et services, dont le prix peut faire partie ;
4° elle n’engendre pas de confusion parmi les entreprises entre l’annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l ’annonceur et ceux d’un concurrent ;
5° elle n’entraîne pas le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activités ou situations d’un concurrent ;
6° pour les biens ayant une appellation d’origine, elle se rapporte dans chaque cas à des biens ayant la même appellation ;
7° elle ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom commercial ou à d’autres signes distinctifs d’un concurrent ou de l’appellation d’origine de biens concurrents ;
8° elle ne présente pas un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction d’un bien ou d’un service portant une marque ou un nom commercial protégés.
Paragraphe 2. Est interdite, toute publicité comparative qui ne respecte pas les conditions fixées au paragraphe 1er ».
7. Electrabel soutient que le dépliant de Lampiris constitue une publicité compara- tive illicite aux motifs que :
– se conten[t]ant d’identifier Electrabel, elle ne procède pas à une comparaison de caractéristiques, en violation du paragraphe 1er, 3°, de la disposition précitée ;
– elle ne compare pas les prix pratiqués de part et d’autre, caractéristique essen- tielle, pertinente et représentative des services offerts, en sorte qu’elle n’est pas objective et ensuite vérifiable et méconnaît le paragraphe 1er, 3°, de la disposi- tion précitée ;
– elle comporte un élément subjectif (l’émoticône « ») et n’est donc pas objec- tive en violation du paragraphe 1er, 3°, de la disposition précitée ;
– elle est dénigrante car, par sa présentation (l’émoticône « »), elle jette le dis- crédit sur Electrabel en laissant croire que cette dernière « rend ses clients mal- heureux » et méconnaît le paragraphe 1er, 5°, de la disposition précitée ;
– elle tire indument profit de la notoriété d’Electrabel en violation du para- graphe 1er, 7°, de la disposition précitée ;
– elle est trompeuse, en ce qu’il est faux d’affirmer que les prix de Lampiris sont toujours moins chers que ceux d’Electrabel et méconnaît le paragraphe 1er, 1°, de la disposition précitée.
8. En l’espèce, le dépliant publicitaire de Lampiris constitue une publicité compara- tive basée sur les prix. Lampiris ne cesse, en effet, d’y affirmer que chez elle, le con- sommateur paiera moins cher (« Dites-nous combien vous payez et nous vous di- rons combien vous pouvez économiser ! ») que chez Electrabel – implicitement mais certainement identifié, ce qui n’est au demeurant pas contesté –.
9. Le dernier grief formulé par Electrabel est fondé.
Une pratique commerciale doit être qualifiée de « trompeuse », au sens de l’article 6, paragraphe 1er, de la directive 2005/29/CE (« directive sur les pratiques commerciales déloyales »), lorsque cette pratique, d’une part, contient des informations fausses ou qu’elle est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen et, d’autre part, est de nature à amener le consommateur à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. L’article 2, sous k, de cette directive doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « décision commerciale » toute décision qui est en lien direct avec celle d’acquérir ou non un produit. La notion de « décision commer- ciale » est définie de manière large. En effet, aux termes de cette disposition, est une décision commerciale « toute décision prise par un consommateur concernant l’opportunité, les modalités et les conditions relatives au fait d’acheter ». Cette notion inclut donc non seulement la décision d’acquérir ou non un produit, mais également celle qui présente un lien direct avec celle-ci, notamment celle d’entrer dans le maga- sin (C.J.U.E., 19 décembre 2013, Trento Sviluppo, C-281/12).
La publicité comparative de Lampiris est trompeuse en ce qu’elle affirme que les prix pratiqués par Lampiris sont toujours moins chers que ceux d’Electrabel alors qu’il apparaît que le prix « exclusif nuit » dans le tarif « FixPlus » d’Electrabel est moins cher que le tarif « exclusif nuit » de Lampiris.
Il ressort des explications des parties et des pièces produites qu’à l’inverse du tarif bihoraire, le tarif « exclusif nuit » nécessite un compteur distinct. Celui-ci ne fonc- tionne que la nuit de 23 heures à 8 heures. Ce compteur exclusif peut être combiné avec un compteur monohoraire ou avec un compteur bihoraire et le consommateur peut se fournir en électricité dans le cadre de l’« exclusif nuit » auprès d’un fournis- seur et pour le reste de ses besoins auprès d’un autre fournisseur. Il est dès lors vain pour Lampiris d’affirmer que le tarif « exclusif nuit » ne serait qu’une composante du tarif « FixPlus » d’Electrabel puisqu’il constitue un service distinct.
Le recours à ce service, fût-il marginal en Belgique, et le tarif n’était-il garanti que pendant une année, il demeure qu’à l’époque de la publicité litigieuse, le tarif « ex- clusif nuit » d’Electrabel était moins cher que celui de Lampiris.
Ce constat dément l’affirmation de Lampiris selon laquelle, à l’époque de la publicité litigieuse, elle était toujours moins chère qu’Electrabel.
Dès lors, en affirmant de manière péremptoire que le consommateur fera en toutes hypothèses une économie en se fournissant en énergie chez Lampiris par rapport aux tarifs pratiqués par le fournisseur désigné, soit Electrabel, la publicité compara- tive de Lampiris contient une information fausse et est donc mensongère.
Par cette affirmation fausse de la réalisation d’une économie en toutes hypothèses en se fournissant chez Lampiris, la publicité incriminée de Lampiris amène ou est susceptible d’amener le consommateur moyen, normalement informé et raisonna- blement attentif et avisé (C.J.C.E., 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky, C- 210/96, point 31, Rec., 1998, 1-04657) à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement, à savoir pour le consommateur d’énergie qui n’est pas client de Lampiris de communiquer à cette dernière les données relatives à sa con- sommation d’énergie ou de consulter son site internet, voire de changer de fournisseur d’énergie et devenir client de Lampiris pour réaliser une économie d’argent présentée comme certaine.
La publicité litigieuse tombe donc bien dans le champ d’application des articles 19 et 88 de la L.P.M.C. (actuellement les articles VI.17 et VI.97 du Code de droit éco- nomique).
10. Dès lors que le non-respect d’une des huit conditions visées à l’article 19 de la L.P.M.C. (actuellement article VI.17 du Code de droit économique) entraîne l’illicéité de la publicité comparative, il y a lieu d’en ordonner la cessation sans qu’il soit né- cessaire d’analyser les autres fondements avancés par Electrabel sur la base de la L.P.M.C.
L’examen des autres moyens fondés sur la L.P.M.C. est surabondant et ne saurait amener la cour à un dispositif autre de celui qui résulte des moyens précédents. Dans ces conditions, il est sans intérêt de poser des questions préjudicielles à la C.J.U.E.
11. Vainement Lampiris relève-t-elle que la campagne publicitaire liée à ce dépliant a pris fin le 19 août 2012. La cessation d’une pratique ne peut être ordonnée s’il est prouvé que tout risque de récidive est objectivement exclu. À cet égard, ne sont pas pris en compte les éléments relatifs au comportement du défendeur en cessation, tels que la cessation volontaire de l’infraction ou la contestation du bien-fondé de la réclamation du demandeur en cessation. Le risque de récidive est objectivement écarté dès lors que le défendeur n’est plus susceptible de réitérer l’acte incriminé, faute d’utilité objective (Mons, 16 juin 2008, Annuaires pratiques du commerce & concurrence, 2008, 720).
Tel n’est pas le cas en l’espèce. Rien ne permet, en effet, d’exclure objectivement que Lampiris réitère dans l’avenir la publication de la publicité incriminée.
Dès lors que le risque de récidive n’est pas exclu, l’action en cessation conserve son objet.
12. Quant à l’ordre de cessation d’un acte constituant une infraction aux dispositions de la loi, il doit viser un acte bien déterminé, mais cet ordre ne doit pas indiquer tous les éléments propres à l’espèce et, lorsqu’il a trait à des produits, il ne doit pas néces- sairement définir la sorte et la marque faisant l’objet de l’ordre. Il doit cependant être de nature à éviter une répétition d’une pratique interdite. Il ne peut donc être rédigé en des termes tellement vagues qu’il rend impossible son exécution ou qu’il engendre des difficultés d’interprétation à l’occasion des poursuites pénales éventuelles ou de la réclamation de l’astreinte ; l’ordre doit énoncer tous les éléments déterminants, de sorte qu’il n’y ait aucun doute raisonnable quant à la portée de celui-ci (Cass., 24 dé- cembre 1999, Pas., I, 1999, p. 702 ; Cass., 17 juin 2005, C.04.0274.N ; Cass., 29 mai
2009, C.06.0377.N ; Cass., 14 juin 2013, C.12.0524.N).
En l’espèce, la pratique dont la cessation est ordonnée consiste en la diffusion par Lampiris d’une publicité comparative illicite car ne respectant pas les conditions cumu- latives prescrites à l’article 19 de la L.P.M.C. (actuellement l’article VI.17 du Code de droit économique) en ce qu’elle est notamment trompeuse par l’affirmation fausse de la réalisation d’une économie en toutes hypothèses en se fournissant chez Lampiris plutôt que chez Electrabel.
Dès lors qu’il s’agit de mettre fin à une pratique illicite, il n’y a aucun motif de limiter l’ordre de cessation à un support publicitaire en particulier.
L’ordre de cessation prononcé ci-après devrait permettre au juge des saisies, con- fronté à une demande de paiement d’astreintes, pour le cas où Lampiris devrait procéder à une nouvelle comparaison de ses produits avec ceux d’Electrabel, de vérifier si l’ordre de cessation est respecté ou non. À cet égard, il convient de rappe- ler que l’autorité de la chose jugée n’est pas limitée au dispositif de la décision, mais s’étend aux motifs inséparables qui [en] constituent le soutien nécessaire ou lui sont indissociablement liés (Cass., 14 mai 1982, Pas., 1982, I, p. 1086).
Il convient dès lors de réformer le jugement entrepris et de faire droit à la demande d’Electrabel tel que précisé au dispositif du présent arrêt.
13. Il convient d’assortir l’ordre de cessation d’une astreinte de 500 euros par sup- port publicitaire quel qu’il soit et par infraction, à dater du lendemain de la significa- tion du présent arrêt. Cette mesure accessoire est de nature à faire respecter par Lampiris l’ordre qui lui est adressé.
3 . Sur le spot radio
14. Lampiris ne conteste pas que le spot radio, également audible sur son site inter- net, constitue une publicité comparative. Electrabel y est, en effet, identifiable.
Dans celle-ci, Lampiris y affirme qu’« on peut économiser grâce à [son] énergie verte » et qu’elle est « moins chère ».
Par identité de motifs avec ceux développés ci-avant et relatifs au dépliant publici- taire, il y a lieu d’ordonner la cessation de cette publicité comparative.
Par l’affirmation fausse de la réalisation d’une économie en toutes hypothèses en se fournissant chez Lampiris alors que le tarif « exclusif nuit » d’Electrabel était moins cher que celui de Lampiris, à l’époque du spot radio litigieux, la publicité incriminée de Lampiris amène ou est susceptible d’amener le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement, à savoir pour le consommateur d’énergie qui n’est pas client de Lampiris de communiquer à cette dernière les données relatives à sa con- sommation d’énergie ou de consulter son site internet, voire de changer de fournis- seur d’énergie et devenir client de Lampiris pour réaliser une économie d’argent pré- sentée comme certaine.
Il n’y a pas lieu de poser de questions préjudicielles à la C.J.U.E.
De même, vainement Lampiris souligne-t-elle que la campagne publicitaire liée à ce spot radio a pris fin le 16 juin 2012 puisque tout risque de récidive n’est pas objecti- vement exclu.
Dès lors qu’il s’agit de mettre fin à une pratique illicite, il n’y a aucun motif de limiter à un support publicitaire en particulier l’ordre de cessation tel que précisé au dispo- sitif de la présente décision.
Il y a également lieu de l’assortir d’une astreinte de 10.000 euros par support publi- citaire auditif quel qu’il soit et par infraction, à dater du lendemain de la significa- tion du présent arrêt. Cette mesure accessoire est de nature à faire respecter par Lampiris l’ordre qui lui est adressé.
4 . Sur le formulaire d'inscription sur le site internet de Lampiris
15. Comme déjà exposé, la publicité est définie comme « toute communication ayant comme but direct ou indirect de promouvoir la vente de produits ou de ser- vices quel que soit le lieu ou les moyens de communication mis en œuvre » (article
2.19° de la L.P.M.C. ; actuellement article 1.8.13° du Code de droit économique).
16. Une publicité implique une « communication ». En ce sens, le formulaire d’inscription comprenant l’utilisation de l’adresse mail litigieuse constitue une communication. Il est accessible à tout internaute. Il suffit à ce dernier de cliquer sur les onglets idoines sur le site de Lampiris pour y avoir accès, qu’il soit client ou pas de ce fournisseur d’énergie.
Cette communication doit ensuite avoir pour « but direct ou indirect de promouvoir la vente » (souligné par la cour). Même si l’objectif de la mention litigieuse « jeanpierre.hansen@electrabel.fr » a pour objectif de servir d’exemple et d’expliquer à l’internaute le renseignement qui lui est demandé dans le formulaire d’inscription, il demeure que Lampiris, auteur de cette communication, est une entreprise. Agissant en sa qualité de fournisseur d’énergie sur le formulaire litigieux, il n’est pas sérieusement contestable que Lampiris entend, en même temps, pro- mouvoir la vente de ses produits ou services, fût-ce indirectement, en renforçant de manière détournée son image de marque auprès des internautes en leur laissant entendre que même le « C.E.O. » de son concurrent Electrabel pourrait être un internaute désireux d’accéder à l’espace client « MyLampiris ». En ce sens, le formu- laire d’inscription constitue une publicité indirecte au sens de la L.P.M.C.
17. Dans la mesure où cette publicité permet d’identifier Electrabel, elle constitue également une publicité comparative au regard de l’article 2.20 de la L.P.M.C. (ac- tuellement article 1.8.14° du Code de droit économique). En identifiant Electrabel, Lampiris vise implicitement à se valoriser par rapport à son concurrent.
18. Toutefois, les conditions cumulatives de l’article 19 de la L.P.M.C. (actuellement l’article VI.17 du Code de droit économique) ne sont pas remplies. La publicité in- criminée ne comporte, en effet, notamment aucune comparaison objective d’une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes vérifiables et représentatives des biens et services offerts de part et d’autre. Elle est dès lors illicite et sa cessation doit être ordonnée.
19. Il est indifférent que cette mention « jeanpierre.hansen@electrabel.fr » n’ait figuré sur ledit formulaire que quelques jours ou encore que, selon Lampiris, elle n’était pas susceptible d’occasionner un dommage à Electrabel. D’une part, tout risque de récidive n’est pas objectivement exclu en sorte que la demande n’est pas sans objet. D’autre part, l’article 19 de la L.P.M.C. (actuellement l’article VI.17 du Code de droit économique) ne pose pas expressément comme condition à la licéité de la publicité comparative l’absence de préjudice dans le chef de l’entreprise con- currente mais le respect de huit conditions cumulatives, non réunies in casu.
20. Afin d’assurer le respect de l’ordre de cessation ordonné, il convient de l’assortir d’une astreinte de 500 euros par jour par page internet, à dater du lendemain de la signification du présent arrêt.
Dispositif conforme aux motifs.