Arrêt en matière de protection juridique du consommateur
Audience publique du douze octobre deux mille onze.
Numéro 36698 du rôle.
Composition :
Irène FOLSCHEID, présidente de chambre;
Annette GANTREL, première conseillère;
Eliane ZIMMER, première conseillère;
Marcel SCHWARTZ, greffier.
E n t r e :
l’association sans but lucratif AAA a.s.b.l., établie et ayant son siège social à UUU, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro ……, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions,
appelante aux termes d’un exploit de l'huissier de justice Patrick KURDYBAN de Luxembourg du 21 octobre 2010,
comparant par Maître Gérard TURPEL, avocat à Luxembourg ;
e t
1) la société anonyme BBB S.A., établie et ayant son siège social à VVV, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …….., représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions,
2) la société anonyme CCC s.à r.l., établie et ayant son siège social à WWW, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …….., représentée par son gérant actuellement en fonctions,
intimées aux fins du susdit exploit KURDYBAN,
sub 1) et 2) comparant par Maître Max MAILLIET, avocat à Luxembourg.
-------------------------------------------------------------------------------------------- LA COUR D'APPEL : Par exploit d’huissier du 12 février 2010 et en vertu d’une autorisation délivrée le 10 février 2010 par la première vice-présidente du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, suite à une requête présentée le 9 février 2010, AAA a fait assigner la société anonyme BBB S.A. et la société à responsabilité limitée CCC s.à r.l. devant le magistrat présidant la chambre commerciale, pour voir dire que les parties assignées violent les articles 1er, 2 et 4 de la loi modifiée du 25 août 1983 relative à la protection juridique du consommateur.
Plus spécialement AAA a conclu à l’annulation en raison de leur caractère abusif des clauses prévues aux articles 5A, 5B (sixième tiret), 6B, 6C, 6D troisième et quatrième paragraphes, 6G, 7B, 7C (ou à titre subsidiaire en ce que cet article permet la résiliation du contrat en cas de non utilisation effective du service par le client pendant un délai de plus de 6 mois), 8 et 9.1 des conditions générales de la société anonyme BBB désignées en tant que conditions générales des services BBB S.A., 3, 4D,10B troisième paragraphe et 11 des conditions particulières de la société anonyme BBB S.A. désignées en tant que conditions particulières des services accès internet haut débit, 2F (à partir du troisième paragraphe relatif à la politique Fair Use et usage en bon père de famille) et à la partie de la phrase de l’article 6 relative aux changements de tarifs des conditions particulières de la société anonyme BBB S.A. et de la société à responsabilité limitée CCC SARL désignées en tant que conditions particulières des services de téléphonie de BBB S.A. ET CCC SARL.
AAA a encore conclu à ce qu’il soit ordonné aux parties défenderesses de prendre toutes mesures utiles afin qu’elles se conforment dans tous les documents destinés au public aux dispositions de la loi du 25 août 1983 relative à la garantie de conformité due par le vendeur de biens mobiliers corporels.
Finalement AAA a demandé la publication de l’ordonnance à intervenir aux frais des parties défenderesses, a demandé une astreinte de 2 500 € pour toute infraction constatée ou pour tout document non conforme émis par les parties défenderesses et a conclu à l’allocation d’une indemnité de procédure de 5 000 €.
Les parties défenderesses ont conclu au débouté de la demande en contestant le caractère abusif des clauses insérées aux conditions générales et particulières.
Par ordonnance rendue le 26 mars 2010, le magistrat saisi a déclaré la demande recevable, l’a déclarée partiellement fondée, a dit réputées nulles et non écrites les seules clauses contenues dans l’article 7A des conditions générales des services BBB, l’article 3, paragraphe intitulé « Restriction d’accès » des conditions particulières des services accès internet haut débit, les alinéas 2 et 3 du paragraphe intitulé « Politique Fair Use et usage en bon père de famille » de l’article 2F des conditions particulières des services de téléphonie de BBB S.A., l’alinéa 2 du paragraphe intitulé « Politique Fair Use et usage en bon père de famille » et les alinéas 1 et 3 du paragraphe intitulé « Spécificité de la data illimitée » de l’article 4B et l’article 5B.1 alinéa 2 des conditions particulières des services de téléphonie mobile de BBB S.A. et CCC SARL et a ordonné la suppression des clauses nulles dans les conditions générales sous peine d’une astreinte de 100 € par infraction constatée à partir d’un mois suivant la signification de l’ordonnance exécutoire par provision.
La demande d’AAA en publication de l’ordonnance a été rejetée.
Les parties défenderesses ont été condamnées au paiement d’une indemnité de procédure de 750 €.
Par exploit d’huissier du 21 octobre 2010, AAA a régulièrement relevé appel de cette ordonnance. Elle demande à la Cour de dire, par réformation de l’ordonnance entreprise, que les clauses contenues dans les articles 4A, 5B, 6C des conditions générales de la société anonyme BBB S.A., l’article 4 des conditions particulières des services accès internet haut débit, l’article 7E des conditions particulières téléphone fixe et l’article 6D des conditions particulières des services de téléphonie mobile de BBB S.A. et CCC SARL constituent également des clauses abusives et sont à annuler. Elle demande leur suppression dans les conditions générales sous peine d’une astreinte de 1.000 € par infraction dûment constatée à partir d’un délai d’un mois suivant l’arrêt à intervenir.
Elle demande par ailleurs une indemnité de procédure de 1.500 €.
Les parties intimées interjettent appel incident en soutenant que c’est à tort que le premier juge a déclaré abusives les clauses 7A des conditions générales, 3 des conditions particulières des services internet haut débit, 2F, alinéas 2 et 3, 4B des conditions particulières des services de téléphonie mobile de BBB S.A. et de CCC SARL et 5B.1 alinéa 2 de ces mêmes conditions particulières.
Quant à l’appel principal d’AAA - quant à l’article 4A (anciennement 5A) des conditions générales Le premier juge a rejeté la demande en annulation de cette clause, et dans le même contexte de la clause 4C, au motif que l’article 2.7° de la loi relative à la protection juridique du consommateur se réfère aux biens et ne vise pas les prestations de service, de sorte que les clauses litigieuses ne tombent pas dans le champ d’application de cet article. Ce raisonnement du premier juge n’a pas été critiqué en appel et est par ailleurs exact.
Il a retenu à bon droit que l’article 2.14° de la même loi vise la substitution d’une prestation différente à celle convenue entre parties et que l’article 4A n’autorise pas les parties défenderesses, actuelles intimées, à modifier le service convenu.
Le premier juge a encore relevé que la partie demanderesse n’a pas établi en quoi la clause litigieuse entraîne un déséquilibre des droits et obligations au préjudice du consommateur au sens de l’article 1er de la loi relative à la protection juridique du consommateur.
L’appelante soutient qu’aux termes de la clause 4A visant à la fois la téléphonie fixe, la téléphonie mobile et l’accès à internet à haut débit, stipulant ne « pas prendre d’engagement contractuel de garantir une qualité de service donnée » et que « BBB est responsable de la mise en place des moyens nécessaires à la bonne marche du Service et prend les mesures nécessaires au maintien de la continuité et de la meilleure qualité du service » les parties BBB-CCC ne s’engageraient qu’à une obligation de moyens, alors que les engagements doivent être de résultat.
Les intimées font valoir qu’il est impossible pour un opérateur de garantir un débit constant ou un accès au service à 100 % au vu des aléas techniques et partant de mettre à leur charge une obligation de résultat.
L’opérateur contracte toutefois une obligation de résultat en ce qu’il est imposé à ce dernier de fournir le service décrit au contrat. Le fournisseur doit assurer la connexion de l’abonné aux réseaux décrits aux contrats et il doit garantir l’accès au service promis. Le fournisseur doit en outre assurer une qualité satisfaisante de connexion au réseau internet sans pouvoir réduire ses obligations à une simple obligation de moyens (Jurisclasseur, concurrenceconsommation, fasc. 994, contrats de service de communications électroniques, no 73).
La Cour de cassation française a jugé qu’une clause, qui au-delà des cas de force majeure ou du fait du cocontractant, avait pour effet de dégager le fournisseur de son obligation essentielle, qualifiée d’obligation de résultat, d’assurer effectivement l’accès au service promis, était abusive (CASS. 1ère chambre civile, 8 novembre 2007, AOL France c/ UFC Que Choisir, AFA).
En l’occurrence la clause, en ce qu’elle dégage l’opérateur de tout engagement en ce qui concerne la « qualité de service donnée » et l’oblige uniquement à prendre les mesures nécessaires au maintien de la continuité et de la meilleure qualité du service, a pour finalité d’exclure la garantie en cas de mauvais fonctionnement dans l’utilisation du service.
La clause ainsi libellée dans des termes généraux et étant applicable à tous les services contractés entraîne un déséquilibre des droits et obligations au préjudice du consommateur. Il y a lieu de dire, par réformation de l’ordonnance entreprise, que la clause 4A est réputée nulle et non écrite.
- quant à l’article 5B (anciennement 6B) des conditions générales Le premier juge, analysant à bon droit la clause relative à la modification par l’opérateur de la tarification en relation avec les dispositions de la l’article 2.10 de la loi relative à la protection juridique du consommateur visant spécifiquement la modification du prix, a déclaré non fondée la demande d’AAA, au motif que l’article 5B prévoit que les clients sont informés de la modification du tarif un mois au moins avant l’entrée en vigueur de la nouvelle tarification et qu’ils ont le droit de résilier le contrat dans un délai d’un mois suite à l’envoi de la première facture faisant application du nouvel tarif conformément à l’article 6A, ce qui implique que les clients ont la possibilité de résilier le contrat dès l’information sur l’augmentation du tarif.
Il a encore jugé que la clause, en ce qu’elle n’entraînait pas de déséquilibre au préjudice du consommateur, n’était pas abusive au sens de l’article 1er de la loi sur la protection juridique du consommateur.
L’appelante fait valoir aux termes de son acte d’appel que le double renvoi de l’article 5B à l’article 6A et le renvoi de l’article 6A à l’article 5B empêcherait le consommateur de connaître ses droits et obligations en ce qui concerne la résiliation du contrat, que les modalités de la résiliation ne seraient pas précisées et qu’il ne serait pas indiqué si le client qui a signé un contrat avec durée d’engagement minimale sera ou non tenu de payer les mensualités jusqu’à la fin de l’engagement.
Les parties intimées concluent à la confirmation du jugement, estimant que les modalités de la résiliation sont indiquées avec la précision requise.
L’article 5B consacre le droit pour le consommateur de résilier le contrat suite à l’information du changement de la tarification et définit les modalités de la résiliation par le consommateur ; l’article 6A (auquel renvoie l’article 5B) précise encore les moyens de résiliation (lettre recommandée, fax), la prise d’effets de la résiliation et réitère la possibilité pour le client de résilier le contrat en cas de modification du tarif.
La Cour en conclut que le droit de résiliation du client et les modalités de la résiliation sont à suffisance précisés et que le double renvoi allégué n’est pas de nature à empêcher le consommateur de connaître ses droits et obligations. La clause de résiliation litigieuse n’a pas à mentionner plus amplement les conséquences pour le client ayant signé un contrat avec durée d’engagement minimale, dans la mesure où le contrat avec durée d’engagement minimale est régi par des clauses spécifiques.
Le jugement est dès lors à confirmer en ce qu’il déclaré non abusive la clause au sens des articles 1er et 2.10 de la loi sur la protection juridique du consommateur.
- quant à l’article 6C (anciennement 7C) des conditions générales Il est rappelé qu’en première instance (voir requête introductive d’instance)
AAA a critiqué cette clause dans son ensemble, au motif qu’elle ne prévoit pas de droit de résiliation anticipée sans préavis au bénéfice du consommateur, ainsi quant au droit de résiliation accordé à l’opérateur en cas de non utilisation par le client d’un service gratuit, le client étant libre d’utiliser ou non le service tant qu’il paie l’abonnement.
Le premier juge a considéré que la clause résolutoire est sous-entendue dans les contrats synallagmatiques en application de l’article 1184 du Code civil et qu’il est possible aux parties de convenir d’un pacte commissoire exprès. Si le pacte commissoire ne doit pas tomber dans le champ d’application de l’article 2.4° de la loi relative à la protection juridique du consommateur qui prohibe les clauses permettant au professionnel de rompre unilatéralement le contrat sans motif valable et spécifique, une violation de ses obligations par le client constitue un motif spécifique, objectivement vérifiable et partant valable. Par ailleurs il a dit que le cas de la non-utilisation des services gratuits par le client constitue un motif valable de résiliation dans la mesure où les parties défenderesses doivent pouvoir mettre un terme à l’existence de comptes fantômes.
Aux termes de l’acte d’appel AAA ne conteste plus la clause dans son ensemble, mais elle continue à contester que la non-utilisation des services gratuits par le client pendant 6 mois puisse justifier une résiliation du contrat et elle soutient que cette partie de la clause est abusive parce qu’elle ne constitue pas un motif valable de résiliation au sens de l’article 2.4° de la loi relative à la protection juridique du consommateur Par ailleurs la sanction de la résiliation du contrat serait manifestement abusive et la non-utilisation devrait tout au plus emporter la suppression des services gratuits. AAA critique encore le fait que les consommateurs, ayant souscrit un contrat avec durée d’engagement, restent tenus jusqu’à la fin du contrat.
Les parties intimées concluent à la confirmation du jugement. Elles soutiennent que la résiliation ne concernerait que les services gratuitement mis à disposition des clients.
La clause prévoyant une résiliation sans préavis par le fournisseur si un abonné ne se connecte pas au service pendant 6 mois consécutifs est abusive en ce qu’elle ne prévoit aucun avertissement préalable susceptible d’attirer l’attention du client et elle rompt l’équilibre entre cocontractants dans le cas où la résiliation n’est pas la conséquence d’une faute du client (Jurisclasseur concurrence-consommation, précité, fasc.994, no 134 ; TGI Nanterre, 9 févr.2006).
Le souci de mettre un terme à des comptes fantômes ne saurait constituer un motif valable de résiliation du contrat.
La clause critiquée, dont il faut par ailleurs relever qu’elle se trouve insérée dans les conditions générales et qu’elle prévoit une résiliation non limitée aux seuls services gratuits tel que soutenu par les parties intimées (la résiliation du contrat dans son ensemble est expressément stipulée), est dès lors abusive au sens de l’articles 2.4° pour ne pas constituer une cause de résiliation valable, et 1er de la loi relative à la protection juridique du consommateur dans la mesure où elle crée un déséquilibre des droits et obligations au préjudice du consommateur.
Le jugement entrepris est dès lors à réformer.
- quant à l’article 4 des conditions particulières des services accès internet haut débit Il est à noter que cette clause a été modifiée, comme d’ailleurs d’autres clauses, par les parties intimées entre la date de l’assignation et celle des plaidoiries en première instance.
L’article 4 actuellement soumis à l’analyse de la Cour a la teneur suivante : « (…) BBB informe le client que les débits effectivement réalisables dépendent de nombreux facteurs techniques dont certains sont permanents (distance du client par rapport au point de raccordement, qualités des lignes téléphoniques ou de télédistribution) et d’autres variables (nombre d’utilisateurs connectés sur le réseau, disponibilité du réseau).
BBB prend cependant l’engagement de mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour que le débit soit aussi proche que possible du débit pour lequel le contrat a été passé.
BBB se réserve en tout état de cause la possibilité, y compris sur les zones ouvertes au service, de ne pas donner suite, de décaler voire de cesser la mise à disposition du service si celle-ci est de nature à ne pas être effectuée dans des conditions satisfaisantes pour le client ou les clients déjà raccordés. » Le premier juge, analysant uniquement les alinéas 2 et 3 de l’article 4 inséré dans une section intitulée « qualité du service », n’a pas annulé la clause.
Il a dit à bon droit que l’article 2.7 de la loi sur la protection juridique du consommateur n’est pas applicable aux prestations de service et qu’il n’y a pas en l’occurrence substitution de la prestation, mais que la clause tend à préciser la nature de la prestation offerte.
Pour le surplus en ce qui concerne la régularité de la clause (en ses alinéas 2 et 3) au vu de l’article 1er de la loi précitée, le premier juge a dit que l’article ne porte que sur les variations du débit réalisable et n’exonère nullement les intimées de leur obligation de résultat d’assurer un accès aux services.
La partie appelante donne à considérer que les trois alinéas de la clause modifiée ne permettent de qualifier l’obligation des parties intimées autrement que d’obligations de moyens ; que l’opérateur a une obligation « de résultat d’en informer le client (que le débit promis n’est pas fourni) et de lui offrir une diminution de prix eu égard au fait que le débit prévu ne peut pas être atteint » ;
que les intimées ne peuvent se réserver le droit de cesser la mise à disposition du service ; que par ailleurs le professionnel ne peut se réserver le droit de résilier le contrat sans qu’un droit similaire soit accordé au consommateur et qu’il s’agit d’une clause par laquelle le professionnel se réserve le droit de déterminer unilatéralement si le bien ou la prestation est conforme au contrat (art. 2.8° de la loi sur la protection juridique du consommateur).
Les parties intimées répliquent qu’elles ne peuvent garantir que les débits maxima peuvent être atteints et qu’en pratique elles proposent aux clients de procéder à un « downgrade » leur permettant d’avoir le même débit à tarif moindre. En ce qui concerne le droit éventuel du consommateur de résilier le contrat pour le cas où le débit effectif différerait sensiblement du débit maximal, elles renvoient au droit commun dans le cadre de l’exception d’inexécution contractuelle.
L’opérateur assumant une obligation de résultat de garantir l’accès au service promis, n’est en vertu de cette obligation pas en droit de « ne pas donner suite, de décaler, voire de cesser la mise à disposition du service si celle-ci est de nature à ne pas être effectuée dans des conditions satisfaisantes », sans contrepartie aucune, sans indemnité pour le client et sans information préalable du client. Le fait allégué par les parties intimées qu’elles procèderaient à un « downgrade » n’est pas établi et ne constitue en tout état de cause qu’une pratique non stipulée au contrat.
L’article 4 en son dernier alinéa est dès lors abusif au sens de l’article 1er de la loi relative à la protection juridique du consommateur comme entraînant un déséquilibre des droits et obligations au préjudice du consommateur et est partant réputée non écrite. Il est par ailleurs abusif au sens de l’article 2.8° de la loi précitée, dans la mesure où par la stipulation permettant au professionnel de cesser la mise à disposition du service s’il juge la qualité du service insatisfaisante, il s’arroge le droit de déterminer unilatéralement si la prestation est conforme ou non au contrat.
La Cour confirme pour le surplus, par adoption des motifs, le jugement entrepris en qu’il est relatif aux alinéas 2 et 3 de l’article 4. Le droit de résiliation unilatérale invoqué par l’appelante n’est d’ailleurs pas visé par ces alinéas de l’article 4.
- quant à l’article 7E des conditions particulières des services de téléphonie (ancien article 6) et 6D des conditions particulières des services de téléphonie mobile Le premier juge a dit que ces clause relatives à la tarification ne sont pas abusives en renvoyant aux développements faits dans le cadre de l’analyse de l’article 5B précité, ceci en raison de la similitude entre les dispositions en cause.
La partie appelante renvoie en substance à ses critiques relatives à l’article 5 B des conditions générales.
Les parties défenderesses concluent à la confirmation du jugement.
La Cour, constatant la similitude dans la rédaction de ces articles, renvoie à sa motivation dans le cadre de l’analyse de l’article 5B pour confirmer la décision du premier juge.
Quant à l’appel incident des sociétés BBB et CCC - quant à l’article 7A des conditions générales (anciennement 8)
Cet article, prévoyant la modification des conditions générales par le professionnel, a été d’un côté déclaré abusif par le premier juge en ce qui concerne la modification des conditions générales motivée par le changement des pratiques et usages du marché pour être contraire à l’article 2.4° de la loi sur la protection relative à la protection juridique du consommateur. Le premier juge a dit que le critère de la modification des pratiques et usages du marché n’est pas objectivement vérifiable, car soumis à l’appréciation discrétionnaire du professionnel et ne constitue dès lors pas un motif valable au sens de l’article 2.4° précité. Il a d’un autre côté déclaré abusive la clause en ce que le consommateur, bien que disposant d’un droit de résiliation du contrat conformément à l’article 6A des conditions générales, reste soumis à l’obligation de respecter le délai d’engagement minimal.
Les parties défenderesse initiales font valoir que le marché se régule luimême et qu’il faut considérer la modification des pratiques et usages du marché comme un motif légitime de modification des conditions générales. Elles défendent la clause d’engagement minimal en disant que « dans ce type de contrat, le client achète un téléphone à un prix inférieur au marché, et BBB amortit le solde du prix du téléphone pendant la durée d’engagement minimale. » Elles allèguent encore la pratique selon laquelle elles offrent au client la possibilité d’une sortie anticipée du contrat en remboursant le montant de la remise initiale accordée sur le prix de vente du téléphone.
La partie AAA conclut à la confirmation de l’ordonnance entreprise.
L’ordonnance entreprise en ce qu’elle a jugé contraire à l’article 2.4° de la loi sur la protection relative au consommateur la clause qui permet au fournisseur de changer les conditions générales et partant le contrat, en cas de changement des pratiques et usages en vigueur, est à confirmer par adoption des motifs des premiers juges.
Il est de principe que toute possibilité de modification unilatérale par l’opérateur des conditions du contrat doit être assortie d’une faculté de résiliation pour le consommateur.
La Cour se rallie à la motivation pertinente du premier juge, qui a déclaré abusive la clause en raison de l’obligation pour le consommateur de respecter la clause d’engagement minimal en cas de résiliation par le fournisseur. En effet l’obligation de respecter le délai d’engagement minimal restreint les possibilités pour le consommateur de résilier le contrat et le met dans l’impossibilité de résilier dans l’immédiat le contrat. La pratique alléguée par les fournisseurs, suivant laquelle ils offriraient au client la possibilité d’une sortie anticipée du contrat, n’est pas de nature à valider la clause litigieuse dans la mesure où cette possibilité n’est pas inscrite au contrat.
Le jugement est dès lors à confirmer.
- quant à l’article 3 des conditions particulières des services accès internet haut débit (restriction d’accès)
Cette clause, dite de « Fair Use », prévoyant la possibilité pour le fournisseur d’intervenir, de suspendre l’accès du client et de restreindre l’accès à un certain volume minimal par jour, au cas où le client télécharge de manière significative beaucoup plus que le client moyen, a été déclarée abusive par le premier juge, au motif que le recours au critère du client moyen est relativement incertain, le client ne pouvant pas connaître le téléchargement du client moyen ; par ailleurs le premier juge a estimé que le consommateur n’a pas suffisamment connaissance de ses obligations pour se voir appliquer une sanction sans mise en demeure.
Les parties appelantes intimées critiquent cette décision au motif que la politique de « Fair Use » est d’usage courante dans le domaine des télécommunications et qu’elle tend à prévenir et à sanctionner les abus de connexion ; que BBB n’a jamais encore fait application de cette clause ; que par ailleurs la limite chiffrée indiquée (10 x l’utilisation par le client moyen) serait assez élevée et serait suffisamment précise, de sorte que chaque consommateur pourrait se faire l’image d’une consommation moyenne.
La partie AAA conclut à la confirmation de la décision par adoption des motifs des premiers juges.
S’il est certes légitime pour le fournisseur de se prévenir contre l’usage frauduleux des moyens de communications électroniques et contre les abus de connexion, encore faut-il que les clauses, qui permettent au fournisseur d’intervenir et le cas échéant de procéder à des déconnexions et à des restrictions d’accès, soient libellées de façon précise pour permettre au consommateur de connaître au préalable ses obligations. Par ailleurs le professionnel ne peut suspendre l’exécution de ses obligations sans préavis (Jurisclasseur concurrence et consommation, précité, no 132 et135).
La Cour constate dès lors, avec le premier juge, que le recours dans la clause litigieuse au critère du consommateur moyen manque de précision en ce sens qu’il ne permet pas au consommateur de connaître à suffisance ses obligations pour se voir appliquer des sanctions sans mise en demeure préalable.
La décision du premier juge est partant à confirmer en ce qu’il a été dit que la clause crée un déséquilibre au sens de l’article 1er de la loi relative la protection juridique du consommateur.
- quant à l’article 2F des conditions particulières des services de téléphonie de BBB (politique fair use et usage en bon père de famille)
La clause précitée a trait à la politique « Fair Use » dans le domaine de la téléphonie et elle permet au fournisseur d’intervenir au cas où le client, ayant accès illimité, utilise les services de façon inappropriée, c'est-à-dire fait un usage anormal et excessif ; la clause permet en plus aux services de téléphonie de faire payer au client l’usage supplémentaire des services.
Les parties appelantes reprennent les mêmes critiques que celles formulées dans le cadre de l’analyse de l’article 3 des conditions particulières des services accès internet haut débit.
La partie AAA conclut à la confirmation de la décision.
Le premier juge a retenu à bon droit qu’ « en conférant au seul professionnel la possibilité de vérifier et de juger si le consommateur fait un usage normal et non excessif des services fournis et en soumettant le consommateur à un supplément de prix sans l’informer au préalable du comportement reproché, les alinéas 2 et 3 du paragraphe intitulé « politique Fair Use et usage en bon père de famille » de l’article 2F créent un déséquilibre au sens de l’article 1er de la loi relative à la protection juridique du consommateur.
La décision est dès à confirmer par adoption des motifs des premiers juges.
- quant à l’article 4B des conditions particulières des services de téléphonie mobile de BBB et CCC (politique fair use et usage en bon père de famille, spécificité de la data illimitée)
La clause précitée a trait à la politique « Fair Use » dans le domaine des services mobiles illimités (voix, SMS, MMS ou Data) et elle permet au fournisseur du service d’intervenir en cas d’usage anormal fait par le client ; le fournisseur peut ainsi interrompre une conversation supérieure à 60 minutes, ne pas faire passer plus de 2000 SMS par mois, limiter les débits des utilisateurs à 2,5 GB par mois.
Le premier juge a renvoyé à sa motivation retenue dans le cadre de l’analyse des autres clauses dites « Fair Use » et a ajouté que, si la clause litigieuse prévoit quelques hypothèses d’usages anormaux spécifiques, il reste que la formulation globale est très imprécise, de sorte que pour ces comportements le professionnel en apprécie discrétionnairement le caractère normal ou raisonnable. Il a dit que les alinéas 1er et 3 du paragraphe intitulé « Spécificité de la data illimitée » et l’alinéa 2 du paragraphe intitulé « Politique Fair Use » créent un déséquilibre au sens de l’article 1er de la loi relative à la protection juridique du consommateur.
Les parties appelantes reprennent les mêmes critiques que celles faites dans le cadre de l’analyse des autres clauses « Fair Use ». Elles font valoir que, contrairement à la motivation du premier juge, la clause litigieuse ne permet pas de facturer un supplément de prix, mais seulement de limiter le débit. La clause ne serait dès lors pas abusive.
La partie AAA conclut à la confirmation de la décision entreprise.
S’il est exact que la clause 4B ne prévoit pas la possibilité de facturer un supplément de prix (sauf pour l’utilisation de la data), la clause permet cependant au fournisseur d’intervenir en ce sens qu’il peut interrompre les services (conversations et SMS) et limiter le débit, sans information préalable du client et sans que le client ait pu juger s’il a fait un usage anormal du service en raison de l’imprécision de ce critère.
La clause qui confère au seul professionnel la possibilité de vérifier et de juger si le consommateur fait un usage normal, non excessif des services fournis, sans l’informer au préalable du comportement reproché, crée un déséquilibre en défaveur du consommateur.
L’ordonnance est dès lors à confirmer.
- quant à l’article 5B.1, alinéa 2 des conditions particulières des services de téléphonie mobile de BBB et CCC Cette clause, qui prévoit d’une façon générale pour les contrats à durée d’engagement minimale (en l’occurrence ce délai est fixé à 24 mois), en cas de résiliation avant la période minimale de souscription la facturation immédiate des mois restants jusqu’à la date d’échéance du contrat, a été considérée comme déséquilibrée au détriment du client. Le premier juge a retenu que, si la conclusion d’un contrat à durée indéterminée avec une durée d’engagement minimale n’est pas en soi déséquilibrée, tel est cependant le cas dans les hypothèses où le client résilie le contrat pour faute dans le chef du professionnel et où le professionnel modifie unilatéralement les conditions générales.
Les parties appelantes critiquent cette décision, donnant à considérer que la facturation jusqu’à la fin du contrat s’impose « dans la mesure où ces sommes contiennent notamment la remise initiale du téléphone acheté par le client ».
La partie AAA conclut à la confirmation de l’ordonnance entreprise.
Il est admis qu’une clause d’un contrat d’abonnement prévoyant une durée d’engagement minimale généralement fixée à 2 ans n’est pas excessive dès lors que le contrat laisse au consommateur la possibilité d’une résiliation pour motifs légitimes pendant cette période (Jurisclasseur, concurrence et consommateur, op. cit. no 113).
C’est à bon droit que le premier juge a sanctionné la clause litigieuse pour ne pas différencier selon les diverses causes de résiliation.
La Cour considère, avec le premier juge, qu’une clause stipulant que toute résiliation pendant le délai d’engagement minimal, donc également la résiliation par le client pour faute dans le chef du professionnel et la modification unilatérale des conditions générales par le professionnel, entraîne la facturation immédiate des mois restants jusqu’à la date d’échéance du contrat, est à considérer comme abusive au sens de l’article 1er de la loi relative à la protection juridique du consommateur.
L’ordonnance est dès lors à confirmer.
Il résulte des développements qui précèdent que l’appel incident est à déclarer non fondé.
La partie AAA demande une indemnité de procédure de 1.500 € pour l’instance d’appel. Il est inéquitable de laisser les frais non compris dans les dépens à charge de la partie appelante ; l’indemnité de procédure est fixée à 1.500 €.
Le ministère d’avoué n’étant pas obligatoire en matière d’appel de référé, il n’y a pas lieu de prononcer la distraction des dépens au profit de Maître TURPEL.
PAR CES MOTIFS : la Cour d'appel, quatrième chambre, siégeant en matière de protection juridique du consommateur, statuant contradictoirement, reçoit les appel principal et incident ;
déclare non fondé l’appel incident de la société anonyme BBB S.A. et de la société à responsabilité limitée CCC s.à r.l. ;
déclare partiellement fondé l’appel de l’association sans but lucratif AAA ASBL ;
dit, par réformation de l’ordonnance entreprise, que les clauses contenues dans les articles 4A des conditions générales, 6C des conditions générales (non-utilisation des services gratuits), 4 dernier alinéa des conditions particulières des services accès internet haut débit constituent des clauses abusives au sens de la loi modifiée du 25 août 1983 relative à la protection juridique du consommateur ;
dit que ces clauses sont réputées nulles et non écrites ;
ordonne la suppression des clauses réputées non écrites et nulles dans les documents contractuels de la société anonyme BBB S.A. et de la société à responsabilité limitée CCC s.à r.l. sous peine d’une astreinte de 100 € par infraction dûment constatée à partir d’un délai d’un mois suivant la signification de l’arrêt ;
confirme l’ordonnance entreprise pour le surplus ;
condamne les sociétés BBB S.A. et CCC s.àr.l. à payer à l’association sans but lucratif AAA ASBL une indemnité de procédure de 1.500 € pour l’instance d’appel ;
les condamne aux frais et dépens de l’instance.