-Arrêt civil-
Audience publique du vingt-cinq juin deux mille neuf.
Numéro 33124 du rôle
Composition:
Georges SANTER, président de chambre,
Monique BETZ, premier conseiller,
Eliane EICHER, premier conseiller,
Fabio SPEZZACATENA, greffier assumé.
Entre:
la société anonyme COMMERZBANK INTERNATIONAL S.A., établie et ayant son siège social à L-2540 Luxembourg, 25, rue Edward Steichen, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions,
appelante aux termes d’un exploit de l’huissier de justice Frank SCHAAL de Luxembourg en date du 8 novembre 2007,
comparant par Maître Janine BIVER, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,
et:
Dave DEVERMAN, entrepreneur, demeurant à 17201 Collins Avenue #1002, Sunny Isles Beach, FL 33160 Etats-Unis d’Amérique,
intimé aux fins du susdit exploit SCHAAL,
comparant par Maître Georges BADEN, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg.
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LA COUR D’APPEL :
Par exploit de l’huissier de justice Michelle THILL de Luxembourg du 8 juillet 1999, Dave DEVERMAN a fait donner assignation à la société anonyme COMMERZBANK INTERNATIONAL S.A. à comparaître devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, pour l’entendre condamner au paiement de 11.875.107.- DM, 5.083.768,12.- USD, 463.680.- CHF et 699.980.- AUD, outre les intérêts.
En ordre subsidiaire il conclut à l’institution d’une expertise.
Il exposa qu’en date du 9 février 1995, il a ouvert auprès de la banque un compte sous le numéro 1870849 pour y investir et gérer ses fonds personnels, que ce compte fonctionnait exclusivement sur base des instructions par lui données.
Celles-ci consistaient d’une façon prédominante, mais non pas exclusive, à vendre des options d’achat ou de vente (call options / put options) sur devises ou sur valeurs mobilières ainsi qu’en des dépôts à terme en différentes devises.
Pour augmenter les possibilités de gestion autant que le rendement de son portefeuille, le requérant s’était fait consentir par la banque une ligne de crédit libellée en Deutsche Marks, mais qui pouvait être tirée en une devise différente et était en fait tirée en Yen japonais.
D’un autre côté le requérant faisait émettre des options sur devises sur lesquelles il vendait une option de vente (put option) en JPY et moyennant prime de l’option.
Dave DEVERMAN a reproché à la banque d’avoir commis des fautes contractuelles, sinon quasi-délictuelles : refus d’exécution d’ordres et d’instructions conformes à la politique d’investissement décidée de commun accord entre parties ; exécution par la banque de décisions discrétionnaires en l’absence d’une quelconque instruction de la part du demandeur, voire contre ses instructions ; défaut d’avoir porté au crédit la somme de 75.000.- USD.
Il a déclaré avoir liquidé le compte le 7 octobre 1998.
Par jugement rendu contradictoirement le 26 mai 2003, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a :
donné acte à Dave DEVERMAN de ce qu’il augmente sa demande aux sommes de 13.567.309.- DM, 4.968.480,70.- USD, 529.754,40.- CHF et 699.980.- AUD,
quant à la vente USD-Call / DM-Put-Option (points 1.1 à 1.4 de l’assignation) :
admis, avant tout autre progrès en cause, l’audition de deux témoins sur les faits faisant l’objet de leurs attestations respectives,
quant à l’opération sur les 100.000 actions de la société BROKEN HILLS PROPRIETORY INC (BHP) (points 5.1 et 5.2 de l’assignation) :
dit que COMMERZBANK INTERNATIONAL a commis une faute en procédant à la vente des 100.000 actions de la société BHP sans observer la procédure et les formalités convenues entre parties, et
nommé un expert pour chiffrer le préjudice, quant à la remise de la somme de 75.000.- USD en espèces (point 6 de l’assignation) :
admis, avant tout autre progrès en cause, Dave DEVERMAN à prouver par l’audition d’un témoin les faits suivants : « Lors de la réunion du 13 août 1997 dans les locaux de la banque il a remis à l’employé de la banque un montant en espèces de USD 75.000.- pour que ce montant soit déposé au compte de DEVERMAN »,
dit non fondés les chefs de la demande sub 2.1, 2.2, 4, 2.3 à 3.2.
Suite à l’exécution des mesures d’instruction ordonnées, le tribunal a, par un jugement du 13 juillet 2007 :
quant à la vente USD-Call / DM-Put-Option (points 1.1 à 1.4 de l’assignation) :
dit que COMMERZBANK INTERNATIONAL a engagé sa responsabilité en raison de la violation des obligations lui incombant en sa qualité de mandataire et nommé un expert pour chiffrer le préjudice,
quant à la remise de la somme de 75.000.- USD (point 6 de l’assignation) dit ce chef de la demande non fondé.
Par exploit de l’huissier de justice Frank SCHAAL de Luxembourg du 8 novembre 2007, la société COMMERZBANK INTERNATIONAL S.A. - ci-après la banque - a relevé appel des deux décisions rendues en première instance.
Par conclusions notifiées le 3 octobre 2008, Dave DEVERMAN a interjeté appel incident.
Quant à la recevabilité des appels Le jugement du 26 mai 2003 n’a pas fait l’objet d’une signification ; le jugement du 13 juillet 2007 a été signifié par la société anonyme COMMERZBANK à Dave DEVERMAN le 17 octobre 2007.
L’appel principal est régulier pour avoir été interjeté dans les forme et délai de la loi.
La banque conclut à l’irrecevabilité de l’appel incident pour autant qu’il porte sur les actions BHP, ce d’abord pour défaut d’intérêt : en instituant une expertise, les juges de première instance ont entendu voir déterminer le préjudice (intégral) que l’intimé prétend avoir souffert. Par la suite elle fait valoir que la revendication afférente de Dave DEVERMAN se heurterait à l’autorité de chose jugée attachée au jugement du 26 mai 2003.
L’intimé fait plaider qu’il serait absolument artificiel de vouloir le priver de la possibilité d’appeler sur ce point parce que le jugement a quo a formellement reconnu une certaine faute bien limitée dans ses effets et conséquences et lui a ainsi refusé les bases de faute au fond qui lui auraient donné accès à une base de responsabilité bien plus large.
A défaut de signification, et le bien-fondé de l’affirmation de Dave DEVERMAN selon laquelle les deux parties ont pris soin tout au long de la procédure continuée après le jugement du 26 mai 2003 de toujours réserver la possibilité d’interjeter appel contre ce jugement n’étant pour le surplus pas contesté, le moyen de l’autorité de chose jugée du jugement du 26 mai 2003 est à rejeter.
Le tribunal a retenu que la banque était autorisée à procéder à la vente des actions BHP appartenant à Dave DEVERMAN pour autant que les conditions relatives à la situation financière précaire de son client aient été remplies et que la procédure prévue aux contrats ait été respectée, que les clauses relatives à la réalisation de son gage par la banque prévoient des modalités et formalités exigées pour la protection du débiteur, en l’occurrence une mise en demeure par lettre recommandée l’avertissant de l’imminence de l’exécution et un délai d’attente pour la réunion des fonds requis, que la banque n’a pas observé la procédure et les formalités convenues entre parties, que la preuve d’un prétendu accord du client n’est pas rapportée et qu’il n’y a pas exonération de la responsabilité de la banque ; le tribunal a ensuite nommé un expert pour évaluer le préjudice accru à Dave DEVERMAN.
Les développements de Dave DEVERMAN selon lesquels l’ampleur de son préjudice est fonction de l’étendue de la responsabilité de la banque ne pouvant être écartés comme dénués de toute justification, le moyen relatif au défaut d’intérêt de l’intimé d’interjeter appel incident sur le point en question ne saurait être retenu.
L’appel incident est à recevoir.
Quant au fond Quant au jugement du 26 mai 2003 COMMERZBANK INTERNATIONAL S.A. critique ce jugement d’abord en ce qu’il n’a pas d’ores et déjà déclaré la demande de Dave DEVERMAN irrecevable pour cause de forclusion, sinon de ratification des opérations effectuées.
Contrairement à l’avis des juges de première instance, le silence gardé après réception d’un avis d’opéré ou d’un relevé de compte n’aurait pas qu’une simple fonction probatoire, mais vaudrait validation tacite, sinon expresse de l’opération.
L’appel incident de l’intimé porte sur toutes les dispositions du jugement du 26 mai 2003 qui causent torts et griefs à Dave DEVERMAN ainsi que contre ceux des motifs qui en font de même.
Selon l’intimé, il faudrait une acceptation expresse et spéciale de sa part de la convention de poste restante dans la mesure où elle rend applicables les conditions générales et spéciales de la banque et qu’elle établit les conditions et conséquences de la rétention de courrier, comme s’intégrant dans les conditions générales de la banque, étant préétablie par la banque tout comme les conditions générales et spéciales et visant à limiter la responsabilité de la banque par l’exigence de délais anormalement courts.
Selon la banque, le jugement de première instance aurait pour de justes motifs retenu que Dave DEVERMAN avait valablement accepté les clauses et conditions de la convention de poste restante, que celle-ci constitue partant la loi des parties et doit s’appliquer avec les conséquences de droit.
La banque fait valoir que par application de l’article 4 des conditions particulières, des articles 7(2) et 11(4) des conditions générales et des conditions particulières de poste restante, ensemble l’article 11 du « Termingeschäftsvertrag », Dave DEVERMAN est censé avoir ratifié, au plus tôt le troisième jour de la date de la mise à la disposition des extraits dans les locaux de la banque, et au plus tard dans le mois suivant l’établissement de l’extrait correspondant les différentes opérations actuellement querellées.
A supposer que les clauses de réclamation n’aient pas été acceptées spécialement, la banque fait relever que se pose la question de savoir si et dans quelle mesure ces clauses doivent faire l’objet d’une acceptation spéciale au sens de l’article 1135-1 du code civil ; en d’autres termes, et en présence d’une convention de poste restante, les clauses de réclamation sont-elles des clauses limitatives de responsabilité au sens de l’article 1135-1 du code civil ? L’intimé fait siens les motifs du jugement de première instance selon lesquels les clauses susvisées des conditions générales et spéciales n’ont pas fait l’objet d’une acceptation spéciale et qu’elles ne lui sont donc pas opposables et il fait plaider que les conditions générales et spéciales visent à limiter la responsabilité par l’exigence de délais anormalement courts.
Dave DEVERMAN demande encore d’écarter comme nul et sans effet le « Termingeschäftsvertrag » du 30 mai 1996, sinon d’en déclarer nuls les articles 8 et 11, et subsidiairement de déclarer nulle leur acceptation par Dave DEVERMAN, sinon de les déclarer inopposables à Dave DEVERMAN.
Par l’article 6(1) des conditions générales les parties ont convenu de l’application de la loi luxembourgeoise.
Par rapport à la question de l’acceptation des clauses litigieuses des conventions entre parties, l’application de la loi luxembourgeoise n’est pas discutée.
Les textes légaux visés sont l’article 1135-1, alinéa premier du code civil et l’article 1135-1, alinéa 2 du code civil, cette dernière disposition légale étant applicable dans le temps pour n’avoir été abrogée que par la loi du 5 juillet 2004.
Aux termes de l’article 1135-1, alinéa premier du code civil : « Les conditions générales d’un contrat préétablies par l’une des parties ne s’imposent à l’autre que si celle-ci a été en mesure de les connaître lors de la signature du contrat et si elle doit, selon les circonstances, être considérée comme les ayant acceptées. » L’article 1135-1, alinéa 2 du code civil dispose que : « Sauf acceptation spéciale par écrit, sont toujours inopposables les clauses qui prévoient en faveur de celui qui a établi les conditions générales des limitations de responsabilité, (…) ».
Le 9 février 1995 Dave DEVERMAN a, ensemble avec la demande d’ouverture de compte-dépôt, signé une convention de poste restante qui prévoit que : « Kein Postversand, sondern Selbstabholung zu den umseitigen Bedingungen gewünscht.(…) Die Sendungen sollen dem (den) Konto/depotinhaber(n) mit allen gesetzlichen und vertraglich vereinbarten Folgen am dritten Tag nach der Bereitstellung zur Abholung als zugegangen gelten. Als Tag der Bereitstellung gilt, ohne dass die Bank die tatsächliche Bereitstellung zu beweisen hat, jeweils das auf der betreffenden Sendung vermerkte Datum und in Ermangelung eines solchen Vermerks das Datum der in der Sendung enthaltenen Mitteilung. » La convention de poste restante est conclue à la demande du client, à sa convenance, donc dans son intérêt.
Les clauses et conditions de la convention de poste restante ont été acceptées par Dave DEVERMAN par sa signature de la mention cochée dans la demande d’ouverture d’un compte/dépôt « Kein Postversand, sondern Selbstabholung zu den umseitigen Bedingungen gewünscht » et par sa signature apposée sous les dispositions contractuelles intitulées « Verwahrungsauftrag von "Sendungen" » et « Bedingungen für die Verwahrung von Sendungen durch die Bank », ce juste sous la mention « Hiermit erkläre(n) ich (wir), den oben genannten Verwahrauftrag und die Bedingungen ausdrücklich anzunehmen. » .
Quant au renvoi aux conséquences contractuelles, il y a lieu d’ajouter que Dave DEVERMAN a été en mesure de les connaître pour avoir signé qu’il a reçu, lu et accepté les conditions générales et spéciales.
Dave DEVERMAN a encore signé le 9 février 1995 son acceptation des conditions générales et des conditions spéciales « Sonderbedingungen für den Handel in Wertpapieren, Devisen und Sorten und das Verwahrungsgeschäft » ; le 30 mai 1996 il a signé un « Termingeschäftsvertrag ».
L’article 11(4) des conditions générales prévoit que : « The customer must immediately examine statements of account, security transaction statements, statements of securities and of investment income, other statements, advices of execution of orders, as well as information on expected payments and consignments (advices) as to their correctness and completeness and immediately raise any objections relating thereto. » Aux termes de l’article 4 des conditions spéciales: « Einwendungen gegen Abrechnungen und Ausführungsanzeigen von Wertpapiergeschäften müssen unverzüglich nach Zugang telegraphisch, fernschriftlich, per Telefax oder in den Geschäftsräumen der Bank erhoben warden. Andernfalls gelten die Abrechnungen, Anzeigen usw. als genehmigt (…). Einwendungen wegen Nichtausführung von Wertpapieraufträgen sind unverzüglich telegraphisch, fernschriftlich, per Telefax oder in den Geschäftsräumen der Bank nach dem Zeitpunkt zu erheben, an dem die Abrechnung oder Ausführungsanzeige dem Kunden im gewöhnlichen Postlauf hätte zugehen müssen.» Le « Termingeschäftsvertrag » contient sub 11, alinéa 5 une clause dans le même sens.
Aux termes de l’article 7(2) des conditions générales : « Any objections a customer may have concerning the incorrectness or incompleteness of a periodic balance statement must be raised not later than within one month following its receipt: if the objections are made in writing, it is sufficient to dispatch these within the period of one month. Failure to make objections in due time will be considered approval. (…) » Réglant le délai de réclamation, et ce qu’il y ait ou non convention de poste restante - celle-ci ne fixant, dans le contexte de la réclamation, que par fiction le point de départ du délai -, ainsi que l’approbation par le client des relevés de compte, les clauses des conditions générales et spéciales ainsi que celles de l’article 11, alinéa 5 du « Termingeschäftsvertrag », telles que discutées, portent sur des modalités d’exécution du contrat et ne sont pas des clauses de limitation de responsabilité.
Une acceptation spéciale des clauses litigieuses de la part du client n’était donc pas requise.
Dave DEVERMAN déclare qu’il ne comprend pas l’allemand, ainsi que cela résulterait d’attestations par lui versées et ajoute: « Toutefois, le jugement du 26 mai 2003 développe que le défaut de compréhension de la langue allemande en laquelle un document est rédigé n’entraîne pas à lui seul le défaut de consentement allégué. » Par la suite il fait plaider que la jurisprudence luxembourgeoise n’admettant pas l’ignorance de la langue utilisée comme une cause suffisante d’annulation pour erreur ou vice de consentement, il n’en demeurerait pas moins que la Cour devra tenir compte du fait qu’il a signé des documents qu’il ne comprenait pas dans leurs détails et que des explications verbales, si elles ont eu lieu, ce qui est mis en doute, ne peuvent jamais entrer dans tous les détails, ni être comprises à suffisance par l’interlocuteur DEVERMAN non spécialisé en la matière ; qu’il n’en reste donc pas moins que cette ignorance de la langue utilisée pour les documents écrits constitue une source d’erreurs dont il y aura lieu de tenir compte.
Faisant état de ce qu’il ne comprenait pas l’allemand et de ce que lors de la signature à distance il n’avait personne à disposition pour lui expliquer la raison d’être de la double signature demandée à la dernière page ( en bas du texte de cette page et de la date, d’une part, et sous la clause d’acceptation spéciale des points 8 et 11, d’autre part), l’intimé entend encore voir dire que son accord sur le « Termingeschäftsvertrag » et sa signature sous l’acceptation spécifique sont viciés par une erreur de consentement.
La banque se réfère à la motivation du jugement entrepris pour conclure au rejet de ce moyen.
Aux termes de l’article 1109 du code civil - dont l’applicabilité n’est pas discutée - : « Il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur (…) ».
Le tribunal a retenu que « l’erreur quant au consentement n’a (…) pas de lien nécessaire avec la langue employée et ne peut dès lors se déduire du seul fait de l’emploi de cette langue pour la rédaction de l’acte attaqué, fût-elle inconnue de la partie signataire. Il ne résulte par ailleurs d’aucun élément du dossier que M.DEVERMAN n’aurait pas eu la possibilité, avant la signature, de se faire expliquer le contenu et la teneur des différents documents lui soumis, respectivement de se faire remettre une traduction desdits documents en langue anglaise. Le demandeur aurait finalement pu refuser son consentement en cas de non-convenance d’une ou de plusieurs clauses et conditions lui soumises. Au vu de ces éléments, et le prétendu vice du consentement laissant d’être établi, le moyen tiré de l’emploi de la langue allemande doit être rejeté. » La Cour adopte cette motivation en ajoutant qu’il résulte de l’attestation testimoniale de l’employé de banque s’étant occupé du client DEVERMAN, Martin KEIL, que par rapport à la convention de poste restante celui-ci lui a expliqué « dass er so behandelt würde, als wenn er die Post abgeholt hätte. » A défaut d’autre élément de nature à justifier l’existence d’une erreur du consentement invoquée par l’intimé, le moyen afférent est à rejeter.
Dave DEVERMAN demande encore de dire applicable aux relations entre parties la loi luxembourgeoise sur la protection juridique du consommateur.
Il fait valoir que :« L’article premier de la loi du 25 août 1983 relative à la protection juridique du consommateur considère comme nulles les clauses entraînant un déséquilibre et l’article 2.11° considère comme abusives et dès lors nulles celles imposant au consommateur-client un délai anormalement court pour réclamer. Dès lors la clause de la convention de poste restante, considérant comme reçue par le client toute correspondance à partir du troisième jour de la mise à disposition dans les locaux de la banque, et qui opère comme condition sine qua non de la forclusion sauf réclamation immédiate ou dans des délais absolument impossibles, doit être déclarée nulle et abusive. En effet, cette clause de la convention de poste restante est l’outil par lequel la banque essaie de faire jouer un délai contraire à cette loi de 1983. » La banque fait plaider que les conditions d’application de la loi du 25 août 1983 ne sont pas remplies et, sinon, que le délai de réclamation d’un mois doit être considéré comme normal.
La loi du 25 août 1983 relative à la protection juridique du consommateur prévoit en son article premier : « Dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, toute clause ou toute combinaison de clauses qui entraîne dans le contrat un déséquilibre des droits et obligations au préjudice du consommateur est abusive et comme telle réputée nulle et non écrite. », et en son article 2.11° : « Sont notamment à considérer comme abusives : (…) les clauses imposant au consommateur un délai anormalement court pour faire des réclamations au professionnel. » Dave DEVERMAN entend faire état d’un déséquilibre au sens de l’article premier de la loi relative à la protection juridique du consommateur, en raison d’un délai anormalement court.
L’article 2.11° de la loi du 25 août 1983 vise seulement les clauses imposant au consommateur un délai anormalement court pour faire des réclamations au professionnel.
La clause de poste restante règle le délai endéans lequel le client est censé avoir reçu le courrier dont il demande la rétention auprès de la banque ; elle ne porte pas sur un délai de réclamation.
Sans devoir examiner l’applicabilité de la loi du 25 août 1983 pour le surplus, il y a donc lieu de rejeter le moyen de Dave DEVERMAN pour autant qu’opposé par rapport à la convention de poste restante.
Pour ce qui est de l’appréciation de la durée du délai de réclamation, les clauses 11(4) des conditions générales, 4 des conditions spéciales et 11, alinéa 5 du « Termingeschäftsvertrag » exigent que la réclamation intervienne immédiatement, alors que la clause 7(2) des conditions générales fixe le délai de réclamation à un mois.
Au regard des conclusions de la banque admettant le délai d’un mois comme étant normal, c’est ce délai qui est à prendre en considération.
Conformément aux conclusions de la banque, le délai de réclamation d’un mois n’est, eu égard à l’exigence de rapidité, d’une part, et à l’exigence de sécurité, d’autre part, requises dans les opérations financières, pas à qualifier de délai anormalement court.
L’hypothèse visée par l’article 2.11° de la loi relative à la protection juridique du consommateur n’étant ainsi pas donnée, le moyen de nullité opposé par Dave DEVERMAN est à rejeter sans qu’il y ait lieu d’examiner dans quelle mesure les autres conditions d’application de cette loi discutées sont remplies.
Au voeu de la clause 7(2) des conditions générales citée ci-dessus, les parties ont expressément convenu qu’une absence de protestation dans le mois de la réception des extraits de compte vaut approbation des opérations y renseignées.
Les opérations critiquées par Dave DEVERMAN datent du 17 juin 1997 avec échéance au 14 août 1997, de mai 1998, d’octobre 1997 à octobre 1998, du 22 septembre 1998.
Il appartenait à Dave DEVERMAN de vérifier si les opérations documentées par les avis et les relevés de la banque portant une date très rapprochée de celle de l’opération renseignée correspondaient aux instructions par lui données, de vérifier si toutes les opérations telles que par lui ordonnées avaient été exécutées, et de vérifier les extraits de compte.
A défaut de preuve relative à des réclamations de la part de Dave DEVERMAN endéans le délai d’un mois tel que convenu, il est forclos à les présenter.
Sa demande est partant, par réformation du jugement de première instance, à déclarer irrecevable.
Quant au jugement du 13 juillet 2007 Etant donné que ce jugement n’est que la suite de celui du 26 mai 2003, la réformation de la première décision implique celle de la seconde décision.
Par conséquent l’appel principal est à déclarer fondé, alors que l’appel incident, tendant à l’adjudication des chefs de la demande dont Dave DEVERMAN a été débouté, est à rejeter.
Quant aux demandes présentées sur base de l’article 240 du nouveau code de procédure civile Chacune des parties sollicite une indemnité de procédure de 5.000 €.
Les deux demandes sont à rejeter comme non fondées ; Dave DEVERMAN succombant dans ses revendications ne saurait prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 240 du nouveau code de procédure civile et la banque ne justifie pas en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge l’intégralité des sommes par elle exposées, non comprises dans les dépens.
PAR CES MOTIFS : la Cour d’appel, neuvième chambre, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement, sur le rapport du magistrat de la mise en état, reçoit l’appel principal et l’appel incident, dit l’appel principal fondé, dit l’appel incident non fondé, réformant : déclare la demande de Dave DEVERMAN irrecevable, dit non fondées les demandes présentées sur base de l’article 240 du nouveau code de procédure civile, en déboute, condamne Dave DEVERMAN aux frais et dépens des deux instances et en ordonne la distraction au profit de Maître Janine BIVER, avocat constitué qui la demande, affirmant en avoir fait l’avance.